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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/815

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spectacle digne assurément d’attention, même dans ses côtés les moins sérieux en apparence, et, si l’on peut sourire en un pareil débat de la folle ou puérile vanité de quelques jouteurs, il n’est guère permis de contester l’importance des questions qui les poussent dans l’arène.

Le moment ne serait-il pas venu de résumer dans ses phases diverses cette longue tentative qui se continue depuis bientôt trente années pour deviner une énigme dont le mot semble toujours se dérober ? La révolution de février nous a montré sous un jour nouveau des événemens qui nous avaient long-temps apparu à travers le prisme des passions ou des intérêts politiques. C’est un fait désormais bien reconnu qu’on peut ramener à trois interprétations les diverses solutions proposées jusqu’à ce jour de la révolution française : — l’interprétation libérale et parlementaire, — l’interprétation radicale, — ou enfin, si nier un problème n’est qu’une façon abrégée de le résoudre, l’interprétation contre-révolutionnaire. La révolution n’ayant et ne pouvant avoir que ces trois sens, chacun du reste plus ou moins large, force nous est de choisir. Malheureusement, ces diverses interprétations s’offrent à nous sous tant de masques usurpés et au milieu d’un tel cortége de tristes souvenirs, que la France en est devenue, elle si enthousiaste, un peu défiante, un peu sceptique. Tandis que les partis, exprimant à leur manière cet état d’indécision, atténuent leurs principes pour qu’ils puissent passer, et se hâtent de voiler leurs symboles pour qu’ils ne blessent pas les yeux, la masse, de son côté, hésite et flotte, inquiète, agitée. Elle se demande s’il faut bénir ou déplorer cette révolution, dont le terme paraît reculer sans cesse, s’il faut l’accepter tout entière ou seulement en partie. La révolution, semble-t-elle se dire, est-elle dans toutes ses pensées le bien absolu ? D’où vient alors que tant de mauvaises passions l’invoquent ? — Est-elle le mal absolu ? Comment alors expliquer l’enthousiasme qu’elle a excité chez tant d’hommes intelligens et honnêtes ? — Un demi-siècle, dans sa représentation la plus éclairée, se trompe-t-il ainsi du tout au tout ? Le mal ne viendrait-il pas moins d’elle encore que de ses faux amis et de ses faux interprètes ?

Telle est heureusement notre position vis-à-vis des amis et des adversaires de la révolution française que nous n’en sommes pas réduits à leur égard à des hypothèses logiques et à des prédictions de prophète : on les a vus à l’œuvre. Chacune des trois interprétations semble nous dire : Jugez-moi, jugez-moi comme doctrine, par les publicistes qui m’ont défendue ; — comme fait, par le bien ou par le mal que j’ai produit ! — Voyez, par exemple, l’interprétation de la révolution dans le sens libéral et parlementaire. N’a-t-elle pas, par devers elle, toute une histoire, qui permet, si la révolution signifie liberté, de la glorifier ou de la condamner sans appel ? Essayée sans succès en 1789,