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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/83

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UNE SONATE


DE BEETHOVEN.




Que pensez-vous de Beethoven ? demandais-je un jour à un homme d’un esprit original, avec qui j’aimais à m’entretenir de l’art qui est l’objet constant de mes études. — Ce que je pense de Beethoven ? répondit-il en jetant sur moi un regard inquiet et soupçonneux ; où voulez-vous en venir ? — Mais ma question vous l’a dit : à connaître vos idées sur ce génie immortel dont, malgré tant de jugemens divers, il semble que le caractère soit encore méconnu. — Après un long silence dont j’avais peine à m’expliquer la cause : « Suivez-moi, me dit cet homme singulier. » Arrivé chez lui, il ouvrit son secrétaire, prit un papier, et me le remit en disant : « Lisez ce brouillon si vous pouvez, et, lorsque vous l’aurez déchiffré, vous comprendrez pourquoi j’ai dû hésiter à répondre à une question qui vous paraissait toute simple. » Le brouillon que j’emportai chez moi contenait en langue italienne le récit qu’on va lire.

— Il est donc vrai, vous partez ; vous allez vous marier ! Vous quittez le doux climat où je vous ai connue ; vous brisez la chaîne invisible qui, malgré les complots des méchans, nous attachait l’un à l’autre, et vous allez disposer d’un cœur dont j’ai respiré les premiers parfums ! Que la destinée s’accomplisse ! Je m’attendais au coup qui me frappe ; depuis long-temps j’avais pressenti le triste réveil qui devait