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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/907

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de la combattre qui n’est qu’un dogmatisme déguisé. Nous en avons les preuves dans notre critique, dans nos livres et dans les emportemens auxquels nos diverses doctrines politiques s’abandonnent l’une contre l’autre.

Jusqu’ici nous sommes partis de l’idée que l’erreur était seulement ce qui n’était pas la vérité, et chaque fois qu’un penseur a réfuté les idées d’un autre, il n’a fait que lui dire : — Ton idée est mauvaise parce qu’elle n’est pas la mienne, parce qu’elle n’est pas ma vérité à moi. — C’est toujours là un système qui s’oppose à un système, et qui prétend décréter ce qui doit être pensé. Eût-on ainsi renversé une illusion vraiment funeste, on aurait encore égaré ses lecteurs en leur persuadant que la bonne méthode est de se faire un idéal ou une théorie et de rejeter résolûment comme mauvais tout ce qui s’en écarte. La vérité et la justice sont des divinités voilées dont nul mortel ne saurait soulever le voile. Le plus que nous puissions, c’est d’être sûrs qu’une idée est une erreur, et qu’un fait établi est une injustice, parce que l’idée ne formule pas toutes les perceptions que nous avons déjà eues, parce que le fait établi n’est pas une combinaison propre à concilier toutes les nécessités qui se sont révélées à nous. Des opinions et des conclusions réalisées passent journellement devant nous : l’affaire de l’intelligence, représentée par la presse, est de les analyser en toute humilité et sans système, pour s’assurer si elles n’ont pas contre elles le jugement de Dieu, la condamnation de l’expérience. Le rôle de la prudence, c’est non point d’examiner si les pensées des penseurs sont conformes à nos pensées préalables, qui ne sont que des résumés, mais de les résoudre en leurs élémens primaires pour constater si elles sont le résumé harmonieux de tout ce qui a été vu et senti. Le devoir de tous, c’est de dénoncer et de combattre comme un crime de lèse-raison et de lès-progrès les manières d’agir qui, pour avoir produit de mauvais résultats, sont désormais convaincues de violer des lois providentielles, ou les conceptions qui, en contredisant nos perspicacités acquises, sont également convaincues d’être en révolte contre ce qui a droit de vie et patente divine dans notre monde intérieur.

Pour devise, la morale publique, s’exerçant par la presse ou par l’opinion, pourrait prendre les mots du prophète : Mané thekel farès ; il a été pesé, et il a été trouvé trop léger. Toute idée qui suppose qu’un fait ne doit pas produire les résultats qu’il a produits à nos yeux doit par cela seul être mise hors la loi. L’expérience, toujours l’expérience ? Sur ce sol-là, guerre à l’erreur, répéterai-je sans crainte, guerre sans pitié, car je ne vois certainement pas de salut hors d’une ligue générale de toutes les connaissances du pays contre toutes ses ignorances. Nos journaux nous ont trompés ; ce n’est ni la plaie du paupérisme, ni l’état de la dette publique, ni la condition des populations ouvrières,