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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/926

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que l’intention d’une tête, la tournure générale d’une figure soient sensibles au premier coup d’œil, pourvu que l’aspect de l’ensemble soit large et nettement écrit. Quelquefois le trait d’un contour est corrigé par un second, et ces retouches, d’autant plus précieuses qu’on peut soupçonner qu’elles ont été dictées par Raphaël lui-même, témoignent à la fois des efforts du graveur en vue du dessin châtié, et de son médiocre respect pour la propreté minutieuse de la manoeuvre. Le temps était loin encore où dans cette même Italie on substituerait à une si sage manière une recherche ridicule du procédén où l’on imaginerait de figurer les ombres d’un visage, d’une draperie, par des losanges renfermant une petite croix, un demi-cercle ou une sorte de serpenteau ; où les graveurs enfin, ne trouvant dans l’interprétation des grands peintres qu’une occasion de creuser des tailles plus ou moins symétriques, feraient, aux applaudissemens de tous, parade d’habileté matérielle, et gagneraient à ce jeu une réputation d’artistes.

L’école de Marc-Antoine devint en peu de temps plus fréquenté, qu’aucune autre. On a vu que les Allemands mêmes affluaient dans l’atelier du maître qui leur avait fait oublier Albert Durer. De tous les points de l’Italie, les graveurs étaient accourus à Rome : Augustin de Venise, Marc de Ravenne ; Vico de Parme, Buonasone de Bologne ; enfin, quelques années plus tard, la famille des Mantouans, dont un membre. Diana Ghisi, offrit peut-être le premier exemple, si fréquent depuis, d’une femme graveur. Une foule d’autres, dont les noms et les œuvres sont restés célèbres, procèdent de Marc-Antoine, soit parce qu’ils ont reçu directement ses leçons, soit parce qu’ils ont reçu celles de ses élèves.

Pour lui, tandis que tant de talens se développaient sous sa direction savante, il continuait le genre de travaux où il avait excellé tout d’abord, se bornant à graver les compositions dessinées de Raphaël[1]. Il commençait les planches de l’Histoire de Psyché, terminées plus tard par quelques-uns, de ses élèves, lorsque la mort du peintre qui avait été son protecteur et son ami vint le priver de conseils si long-temps profitables. Marc-Antoine refusa de continuer, d’après les dessins de Raphaël, des travaux que celui-ci ne dirigerait plus ; mais, comme pour honorer encore le maître en reproduisant les œuvres du disciple qu’il avait préféré, il s’attacha exclusivement à Jules Romain.

  1. C’est à, cela qu’il faut attribuer la différence, inexplicable au premier aspect, entre certaines estampes de Marc-Antoine et les mêmes sujets peints par Raphaël. Ce dernier livrait souvent an graveur les esquisses au crayon de compositions qui se modifiaient ensuite lorsqu’elles étaient reportées sur le mur et sur la toile, — par exemple le Parnasse et la Sainte Cécile, si dissemblables dans la copie et dans ce qui paraît à tort avoir été l’original. Souvent aussi il dessinait des sujets expressément pour la gravure, comme leJugement de Pâris, le Massacre des Innocens, l’Enlèvement d’Hélène, etc.