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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/984

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II. – REGION ORIENTALE DE L’AMERIQUE ANGLAISE. – TERRE-NEUVE. – L’ACADIE.

Ce que nous avons dit de l’aspect et du climat des territoires de la baie d’Hudson peut s’appliquer en grande partie au Labrador et à quelques colonies qui se rattachent au groupe oriental, c’est-à-dire aux îles et aux pays en terre ferme qui entourent le golfe Saint-Laurent. Le Labrador a cela de particulier, qu’il se divise, pour ainsi parler, en deux zones, l’une orientale, l’autre occidentale. Par la première, qui confine la région de l’East-Maine, il fournit son petit contingent de fourrures au commerce anglais ; par l’autre, qui comprend tout le littoral, il se rattache aux grandes pêcheries dont Terre-Neuve est le centre. Séparé de cette terre par le détroit de Belle-Ile, le Labrador n’est guère qu’une dépendance administrative de la plus importante station de pêche qu’il y ait au monde. Sur la quantité plus ou moins abondante de morues qui fréquentera les abords de Terre-Neuve se règle chaque année l’existence de quarante-cinq mille marins et de leurs familles. Près de trois mille navires armés en Angleterre, en France et en Amérique n’ont d’autre destination que les bancs et les plages où la Providence pousse périodiquement et à jour fixe ces myriades de poissons qui doivent alimenter des millions d’hommes de tous les pays.

Les bâtimens que l’on équipe en Europe quittent leur port d’armement au commencement d’avril. Les premiers beaux jours les trouvent prêts à partir ; qu’un vent du nord vienne à souffler, et ces innombrables voiles s’éloignent des côtes de France, d’Angleterre, d’Écosse, d’Irlande, cinglant vers l’ouest. La tempête les disperse, le beau temps les rassemble, et elles voguent en troupes à travers l’immense Océan. C’est un curieux spectacle de rencontrer en pleine mer cette flotte de pêcheurs. Aussi loin que l’œil peut s’étendre, on les voit poindre à l’horizon comme une volée de goëlands. Si le vent augmente de violence et que la mer grossisse, tous ces bâtimens diminuent de voiles à la fois, comme si un invisible amiral donnait le signal de la manœuvre, et bientôt on ne voit plus que les mâts et les cordages au-dessus des vagues furieuses qui balaient ces esquifs fatigués. Une même tourmente met en péril une population active et industrieuse égale en nombre à celle d’une grande ville. Dans le voisinage des côtes d’Amérique, un autre danger attend les pêcheurs. Ce sont les montagnes de glace, les banquises, comme ils les appellent : tantôt serrées en blocs compactes et immobiles, elles leur barrent la route ; tantôt elles passent en masses flottantes, descendant vers les parages plus chauds où le soleil et les eaux tièdes les feront fondre. Quelquefois les navires restent des semaines en vue de terre, retenus au large par la banquise, et le pêcheur qui s’est embarqué chez nous au printemps retrouve en