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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/988

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country, pays inexploré. La coupe des grands bois se poursuit avec activité sur le littoral, mais c’est là un travail de destruction qui demanderait à être compensé par celui de la culture, et dans la Nouvelle-Écosse on est surtout marin. Il se construit à Halifax et dans les petites villes voisines un nombre considérable de navires, les uns destinés à traverser l’Atlantique, les autres employés à la pêche et au cabotage. La navigation entre les divers ports des colonies anglaises situées aux abords du Saint-Laurent et de son golfe est si active, qu’elle occupe une marine égale dans son ensemble au tiers de celle de la France, et pourtant les glaces l’interrompent pendant quatre mois de l’année. Lequel doit le plus nous surprendre, du développement maritime de ces pays nouveaux ou de l’abaissement de notre commerce ! Qu’on ajoute à ces bâtimens à voiles la flottille de steamers qui sillonne chaque jour les baies, les golfes, les rivières, répandant de toutes parts l’activité, entretenant d’une île à l’autre, du Canada à l’Acadie, des communications rapides et incessantes, et l’on aura une idée des moyens dont disposent déjà ces colonies pour croître en population et en prospérité. Il ne leur faut qu’un plus grand nombre d’émigrans agriculteurs, et ces émigrans y viendront, car l’Angleterre sait faire comprendre aux masses qu’il vaut mieux aller vivre heureux au-delà des mers que de mourir de faim dans sa patrie.

La langue de terre qui joint, la Nouvelle-Écosse au continent forme comme un pays à part, pittoresque et gracieux, où des maisons de plaisance et de jolis cottages réjouissent le regard. C’est là qu’habitent la nobility et la gentry de la province ; là vit aussi l’humoriste Haliburton, qui a si bien réussi à peindre les mœurs des colonists[1]. Par un singulier contraste, au-delà de l’isthme, au-delà de ces campagnes si bien cultivées, on se retrouve au milieu des forêts et des solitudes. De la Nouvelle-Écosse, on passe dans le Nouveau-Brunswick. — Qui connaît en France le Nouveau-Brunswick et ses vieux habitans français les Acadiens ? Il y a dix ans, on ne le connaissait guère non plus en Angleterre, ni même au Canada ; on s’accordait à le regarder comme une vaste étendue de bois sur lesquels planent d’éternels brouillards. Ses rivages, battus par d’incessantes tempêtes, n’abritaient, disait-on, que de pauvres pêcheurs bloqués dans leurs cabanes pendant six mois par les glaces qui s’amoncèlent à l’entrée de la baie de Fundy. Il y a du vrai dans cette triste peinture ; mais de récentes explorations ont prouvé que ce désert, parfaitement arrosé et déjà habité sur divers points, renferme, de grands espaces où la terre est excellente.

Le Nouveau-Brunswick possédait, en 1844, une population de cent soixante-dix mille habitans[2], la plupart vivant sur le bord de la

  1. Voyez, sur Haliburton, les livraisons du 15 avril 1841 et du 15 février 1850.
  2. En 1806, elle n’était que de quarante mille habitans.