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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/1025

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d’octobre dernier, la Banque, craignant les embarras que pouvait entraîner l’insuffisance de la récolte, alarmée sans doute aussi des proportions que prenait la question d’Orient, crut devoir donner un avertissement au public et entrer dans la voie des mesures restrictives : l’intérêt fut porté à 4 pour 100. Cette décision était prévue ; la Banque, sans l’exagérer, faisait la part de la prudence. Aucune réclamation ne s’éleva contre un arrêt que commandait la situation du crédit.

Doit-on maintenant serrer encore plus le frein et imprimer un brusque temps d’arrêt à la machine commerciale ? Faut-il réduire la durée des échéances et faire subir un nouveau renchérissement à l’escompte, le porter par exemple à ce que j’appellerai un prix de famine, à 5 ou même à 6 pour 100 ? Deux fois déjà le conseil de la Banque, appelé à délibérer sur cette grave question, a repoussé les suggestions de la peur. Le statu quo est maintenu jusqu’à présent, sauf quelques modifications qui ne semblent pas d’une très grande importance. Ainsi la Banque ne prêtera plus que 50 pour 100 de la valeur sur les actions de chemins de fer et 70 pour 100 sur les obligations, au lieu de 60 pour 100 dans le premier cas, et de 80 pour 100 dans le second. C’est là une question de pure garantie. La Banque prend ses sûretés comme elle l’entend, et la place de Paris ne sera pas sérieusement affectée par une mesure qui aura pour effet soit de réduire de 10 à 15 millions la somme de ces prêts, soit d’augmenter, dans la proportion de 15 à 20 pour 100, la valeur du gage. En vertu d’une décision plus récente au conseil, la Banque, quand on lui demande des espèces, ne rembourse plus ses billets qu’en or : c’est un droit que lui donne notre législation monétaire, dont elle n’avait pas usé tant que la monnaie d’or obtenait une prime sur le marché, et dont elle fait bien d’user depuis que la prime a passé du côté des monnaies d’argent. Il n’y a pas à craindre que les demandes du public épuisent sous cette forme la réserve métallique de la banque, car les ateliers monétaires qui l’alimentent ont pris une très grande activité. La fabrication des pièces d’or, qui n’avait porté en 1852 que sur la faible somme de 27 millions de francs, embrassait déjà, pour les dix premiers mois de 1853, une valeur de 250 millions. L’Angleterre, comme on voit, ne réserve pas, pour défrayer la circulation du royaume-uni, tous les lingots qu’elle reçoit des deux hémisphères ; les trésors de l’Australie et de la Californie commencent à s’épancher sur le continent européen.

J’entends dire que la Banque ne s’en tiendra pas là, et que l’on va remettre en délibération la question de savoir s’il convient d’élever l’intérêt à 5 pour 100, afin de restreindre par ce procédé indirect l’importance des prêts et des escomptes. Ce serait là une résolution désastreuse et surtout d’une rigueur à peu près gratuite, car aucune cause sérieuse ni profonde ne paraît la motiver. La Banque de France a reconnu le principe de la variabilité de l’intérêt, elle marche sur ce point à l’unisson du monde commercial ; mais il ne faudrait pas apporter dans la pratique de cette vérité l’ardeur inquiète d’un néophyte. Le droit de donner le signal de la hausse ou de la baisse de l’argent