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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/1043

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autour de lui toutes les fraclions du parti radical, et il y a puisé sa force. Bientôt cependant les divisions ont commencé de se manifester dans le radicalisme genevois. Les scissions sont allées en s’envenimant au point de laisser M. Fazy sans l’appui d’une portion de ses anciens partisans, et alors il s’est opéré de singulières modifications dans les divers partis aux approches des élections pour le renouvellement du gouvernement cantonal. M. Fazy, abandonné par une portion de ses anciens amis, s’est tourné du côté d’une fraction des catholiques genevois, de ce qu’on nomme les ultra-montains, — il est même allé jusqu’à rappeler les jésuites, et cette fraction catholique a eu l’étrange condescendance de prêter son appui au plus fougueux promoteur de la guerre du Sonderbund, au dictateur radical de Genève. De leur côté, les radicaux dissidens, las de subir la dictature de leur chef, se sont tournés vers les conservateurs protestans et se sont alliés avec eux, formant ensemble une opposition puissante. Cette opposition avait une double force : elle s’appuyait sur le sentiment protestant froissé par l’ascendant que M. Fazy prêtait aux ultramontains, et sur le sentiment national, qui a eu à souffrir plus d’une fois des faveurs particulières du dictateur à l’égard de certains réfugiés. Ajoutons encore la lassitude réelle de ce régime de tyrannie démocratique. Ainsi les élections se présentaient dans ces conditions : d’une part M. Fazy et les catholiques ultramontains, de l’autre les conservateurs protestans et une fraction des radicaux. Ce sont ces derniers qui l’ont emporté dans le vote qui a eu lieu le 14 novembre. Sur près de dix mille votans, M. Fazy et la liste, de ses candidats n’ont point obtenu au-delà de 4,700 voix ; ses concurrens ont eu de 5,000 à 5,400 voix. Du reste, il faut le dire, dans le gouvernement formé par la coalition des conservateurs protestans et des radicaux désabusés, ceux-ci se sont fait la part la plus ample : ils composent la grande majorité du conseil d’état. Au fond, le caractère le plus saillant de ce vote, c’est le résultat qui a mis fin au régime personnifié par M. Fazy. Rien que les radicaux soient encore au pouvoir, le radicalisme a subi une défaite sur un des points les plus importans de la Suisse.

Le radicalisme ne règne point en Espagne, mais la situation politique de ce pays n’en a pas moins ses difficultés intérieures et ses périls d’un autre ordre. C’est le 19 novembre que les chambres devaient se rassembler et qu’elles se sont réunies en effet. Il n’y a point eu de discours d’ouverture de la reine Isabelle, à qui sa situation en ce moment, à la veille de ses couches interdit de paraître dans ces cérémonies solennelles. Le cabinet s’est borné à ouvrir le parlement au nom de la reine, et son premier acte, le plus significatif, a été de retirer les projets de réforme constitutionnelle dont le congrès était resté saisi. Le ministère a en même temps présenté divers projets de lois, l’un sur une réforme du code pénal, l’autre tendant à sanctionner les concessions de voies ferrées déjà faites, et à établir un ensemble de dispositions législatives sur les chemins de fer ; mais ce n’est là que le moindre trait de la situation actuelle de l’Espagne. La vérité est qu’en rouvrant le parlement, en retirant les projets de réforme constitutionnelle, le ministère présidé par le comte de San-Luis n’a nullement désarmé les oppositions de toute nuance. Déjà même ces oppositions se sont manifestées ; elles se sont montrées dans la nomination des secrétaires du sénat, elles se laissent voir dans le congrès, et la presse n’est point la dernière à se faire l’écho de cette hostilité,