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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/1138

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où les rayons du soleil vous éclairent comme dans un palais de cristal ? C’est lui qui vous a revêtus d’écaillés d’argent et qui veille sur vous lorsque dans vos jeux rapides vous les faites briller comme des perles à la surface des ondes. C’est lui qui vous a préservés du déluge quand les autres créatures étaient anéanties par sa justice et sa colère. Que de fois n’avez-vous point servi à manifester sa puissance ! Poissons, mes frères, vous qui vous souvenez de ses bienfaits, bénissez-le suivant cette parole du prophète : Baleines et autres poissons, bénissez le Seigneur. » Les muets auditeurs du saint témoignèrent par leurs mouvemens que ce discours leur était agréable ; ils baissèrent la tête pour exprimer qu’ils exécuteraient fidèlement ce qu’Antoine leur avait recommandé. « Ils ne voulurent point, dit le père Giry, se replonger dans l’eau qu’ils n’eussent reçu la bénédiction du saint. Alors cet admirable prédicateur, se tournant vers les hommes, leur fit un sanglant reproche de leur insensibilité, que cet exemple venait de confondre, et ils se convertirent. »

On voit dans d’autres légendes des oiseaux accompagner par leur chant les hymnes des saints. Une sauterelle, sur un ordre de saint François d’Assise, entonne un cantique aussi doux que celui de cet oiseau bleu qui répétait sur la terre les concerts qu’il avait entendus dans le ciel. Non contens d’associer leur voix aux hymnes des mystiques, les animaux pratiquent comme eux les œuvres de l’ascétisme le plus pur, et le jour du vendredi saint les oiseaux jeûnent jusqu’au lever des premières étoiles. Les bœufs et les chevaux s’agenouillent devant les reliques. Des abeilles, trouvant une hostie dans le jardin d’un monastère, lui rendent leurs hommages et la portent respectueusement dans leur ruche.

Il faudrait tout un volume, nous ne dirons pas pour analyser, mais seulement pour indiquer par leur titre les innombrables légendes où les animaux figurent comme acteurs à côté des moines et des saints. L’immense collection des Bollandistes en est remplie, et en passant du latin barbare des hagiographes aux vers plus barbares encore des trouvères, ces légendes gardent toujours la même invraisemblance, le même merveilleux et le même caractère d’allégorie morale. Nous citerons comme dernier exemple la naissance de sainte Anne dans le poème de Genesis, écrit au XIIIe siècle par le prêtre Hermann. C’est encore un gracieux symbole de cette charité merveilleuse que les légendaires et les poètes chrétiens prêtaient aux animaux pour corriger les hommes de leurs instincts cruels.

Suivant le prêtre Hermann, l’empereur Fanouel, qui possédait dans ses jardins l’arbre de vie, voulut un jour goûter les fruits de cet arbre. Il coupa l’un de ces fruits avec le couteau qu’il portait à sa ceinture, et il en essuya la lame sur sa cuisse. Au bout de quelques