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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/1162

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d’être visité. On trouve dans ce comté comme un échantillon de toutes les cultures, de toutes les terres, de toutes les rentes, de tous les modes d’exploitation, et l’ensemble donne une moyenne conforme à la moyenne générale. Ajoutez qu’Oxford est aujourd’hui aux portes de Londres et qu’on y va en très peu d’heures par le chemin de fer. Il n’y a que l’Angleterre industrielle et commerçante qui y manque, et le voisinage de Londres et de Bristol n’en tient lieu qu’imparfaitement.

Le comté de Wilts se divise en deux parties fort distinctes, le nord et le sud. Les productions agricoles de ces deux moitiés diffèrent comme leur constitution géologique : le nord, formé de fraîches vallées où coulent les affluens de l’Avon, est un pays d’herbages et de vacheries ; le midi, qui se compose de grands plateaux calcaires comme le Dorset, est une région à céréales et à moutons ; on y trouve le fameux plateau connu sous le nom de plaine de Salisbury, où s’élève le monument druidique de Stone-Henge. Dans le nord, la rente monte jusqu’à 100 francs l’hectare et au-delà ; dans le midi, elle tombe au-dessous de 50. Dans le nord, les fermes n’ont qu’une étendue plutôt petite que grande, de 25 à 100 hectares par exemple ; dans le midi, elles sont immenses ; on en trouve de 1,000 et 2,000 hectares ; le plus grand nombre est d’environ 500. Les fermiers du nord, n’exploitant que de petites fermes, sont en général des hommes sans capital, travaillant par leurs bras et ceux de leurs familles ; ceux du midi sont au contraire pour la plupart de riches spéculateurs, et cependant la prospérité du nord n’a pas reçu d’atteinte, tandis que le sud a été un des pays les plus travaillés par la crise.

C’est que dans le sud la culture des céréales avait pris trop de développement. La plaine de Salisbury présente à l’œil l’aspect d’un vaste désert où quelques fermes se cachent de loin en loin dans des plis de terrain, et où s’étendent à l’infini des champs de blé sans arbres et sans clôtures. Ces immensités maigres et brûlantes servaient uniquement autrefois de pâturages à moutons, mais le haut prix des grains avait peu à peu entraîné à les transformer en terres arables, et cette transformation, bien que lucrative au premier abord, n’avait pas toujours été judicieuse. C’est surtout à ces sortes de terres que pense Ricardo quand il affirme que l’on commence par cultiver en blé les bonnes terres, puis les médiocres, puis enfin les mauvaises, et que la demande croissant toujours avec la population, c’est la denrée la plus chèrement obtenue qui règle le prix du marché. Cet axiome mathématique, vrai au moment et pour le pays où il a été émis, a été démenti plus tard dans plus d’une circonstance. L’Angleterre est en train de le reprendre à rebours, en abandonnant successivement la culture des céréales dans les terres