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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/1170

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l’immense parc et en font une promenade publique. Tout n’est pas bénéfice dans ces grandes propriétés. Quelque riche qu’on soit, c’est une lourde charge que l’entretien de cet admirable palais, de ces jardins et de ce parc fastueux, dont le public jouit plus que le maître. En Angleterre plus qu’ailleurs, on applique le fameux mot : noblesse oblige ; on y respecte profondément les grands noms et les grandes fortunes, mais en leur imposant des nécessités de représentation qui peuvent finir par les ruiner. On peut prévoir le temps où il n’y aura plus de fortune privée suffisante pour entretenir Chatsworth, et alors, de deux choses l’une, ou ce Versailles de l’Angleterre disparaîtra, ou il deviendra une propriété nationale, ce qu’il est en réalité déjà par l’usage qu’on en fait. Il est vrai que le duc de Devonshire est en outre le propriétaire d’une grande partie du comté de Derby, ses propriétés ne s’arrêtent pas aux murs de son parc et s’étendent beaucoup au-delà. Le duc de Rutland a aussi dans le même comté de vastes domaines. Ce dernier possède entre autres tout le pâté de montagnes qui sépare le comté de Derby du comté d’York, et qui forme comme l’épine dorsale de l’Angleterre. La culture cesse forcément à ces hauteurs : on n’y trouve que des bruyères stériles qui s’étendent à perte de vue et qu’on appelle en Angleterre des moors ; mais ces terrains incultes sont l’objet d’un autre genre de luxe : ils sont entourés de grands murs enfermant plusieurs lieues carrées, et peuplés de toute sorte de gibier.

Les montagnes, moins élevées, qui forment les trois quarts du comté, sont couvertes de pâturages. Le blé y vient mal ; l’avoine est la seule céréale qui réussisse. C’est une contrée d’élève, comme en général les pays semblables ; on y fait naître des bœufs à courtes cornes et des moutons Dishley qu’on vend ensuite aux fermiers de la plaine, qui les engraissent ; on y fait aussi beaucoup de fromages qui, sans avoir la réputation de ceux des grasses vallées de l’ouest, trouvent un débit assuré. En un mot, ce pays ressemble beaucoup aux régions montagneuses du centre de la France, comme l’Auvergne et le Limousin ; il en a tout à fait l’aspect, elles mêmes industries y sont usitées. Malheureusement, si les moyens sont les mêmes, la différence des résultats est grande : quand la rente atteint à peine 15 francs par hectare dans le centre de la France, elle dépasse en moyenne 60 francs dans les montagnes du Derby ; mais aussi, quand nos départemens du centre manquent de débouchés, le Derby est sillonné de routes et de chemins de fer. On voit partout voler en sifflant les locomotives sur le flanc de rochers escarpés où la chèvre seule semblait pouvoir atteindre.

De nouveaux progrès vont s’accomplissant sans relâche sous une demande constante de produits. Parmi les fermes en avant du reste du