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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/119

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maison voisine. Ces renseignemens s’accordent parfaitement avec ceux qu’a transmis à ses lecteurs le Charivari, dont les hommes d’état me semblent sur ce sujet très bien informés. « Trois généraux s’avancent sur une ville de trois côtés ; l’un prend la ville, l’autre la lui reprend, et il en est chassé par le troisième. » Si ces révolutions misérables ne peuvent exercer aucune influence sérieuse sur l’avenir du Mexique, une question qui s’y agite à cette heure peut influer prodigieusement sur ses destinées et sur les destinées du monde : c’est le passage qui va s’ouvrir à travers le continent américain.

Le Mexique a accordé à une compagnie des États-Unis l’autorisation d’établir ce passage sur son territoire, à Tehuantepec ; aujourd’hui le gouvernement mexicain paraît vouloir revenir sur cette concession. Je ne crois pas que les États-Unis y renoncent, car il y va pour eux d’un intérêt immense. La communication des deux mers, en y joignant l’occupation soudaine ou graduelle du Mexique, commencerait une nouvelle ère et entraînerait, je pense, un changement peut-être sans égal dans les relations des diverses portions du globe.

On a projeté cinq ou six passages à travers la partie la plus étroite du continent américain sur différens points. Si le Mexique était dans d’autres conditions, un chemin de fer de Vera-Cruz à Acapulco sur l’Océan Pacifique pourrait lui donner en partie au moins le bénéfice de ce passage ; mais dans l’état actuel des choses, même en supposant que le Mexique pût mener à fin ce grand ouvrage, on ne saurait espérer que le chemin de fer en question fût en état de se soutenir avec avantage. L’isthme de Panama est en ce moment la véritable route de la Californie. On estime qu’il y passe cinq mille personnes par mois, ce qui égale le nombre des passagers de Douvres à Calais.

Le chemin de fer de l’isthme sera prochainement terminé, et alors la jonction des deux mers sera véritablement accomplie. Que l’on continue à suivre cette route, ou qu’on établisse la communication sur un point plus avantageux, il n’en est pas moins certain que l’on peut dès à présent considérer le continent américain comme percé et raisonner sur les conséquences de ce grand événement. Quand on a vécu aux États-Unis, parmi le peuple le plus confiant qui ait jamais été dans ses destinées futures, on est atteint soi-même par la contagion de cette confiance illimitée, on ouvre son âme aux pressentimens et peut-être aux illusions de l’avenir. Sur ce plateau élevé du Mexique, en présence des gigantesques montagnes qui le couronnent, je ne puis me défendre d’un rêve colossal comme elles, et qui n’a peut-être pas leur solidité ; mais si le prophète s’abuse, il est du moins convaincu : je regarde comme très vraisemblable que la force