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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/1236

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dans les Donatello et les Verocchio les dignes maîtres de Léonard, et d’oublier ce que le plus indépendant des disciples. Michel-Ange lui-même, dut aux exemples de Luca Signorelli. Le Jugement dernier de la cathédrale d’Orviéto annonce et explique en effet la fresque de la chapelle Sixtine, comme certaines parties des Essais de Montaigne s’achèvent et prennent leur forme définitive sous la plume toute-puissante de Pascal.

Les grands peintres du XVIe siècle trouvèrent dans les travaux de leurs devanciers mieux que des erreurs à éviter ; ils y trouvèrent aussi des leçons. C’est ce qu’il est permis de dire à présent sans crainte de scandaliser personne. Bien plus : auprès de beaucoup de gens, un pareil aveu ne serait déjà qu’une confession incomplète de la vérité. Dans le domaine des arts comme ailleurs, le propre des réactions est d’aboutir vite à l’exagération de leur principe. Dès qu’on se lui occupé des maîtres Italiens primitifs, on n’accepta plus d’autres modèles, et, par un retour violent de l’opinion, on ne vit plus que les témoignages de la décadence de l’art là où chacun avait admiré les signes éclatans de sa renaissance. En Allemagne, toute une école s’est constituée qui prétend réduire les conditions de la peinture à l’imitation des formes et du style adoptés au moyen âge : noble école d’ailleurs, profondément spiritualiste et dont M. Overbeck est le chef respecté. L’entraînement n’a pas été aussi général en France, ni l’intolérance aussi manifeste. Pourtant, parmi les théoriciens de l’art comme parmi les artistes eux-mêmes, ce système rétrospectifs rencontre bon nombre de partisans : en ce qui concerne la décoration des édifices religieux par exemple, il a maintenant presque force de loi. Enfin, il n’est pas jusqu’à l’école anglaise, ordinairement si immobile dans ses tendances, qui ne se soit émue à son tour et n’ait eu ses préraphaélites. Les jeunes peintres qui s’intitulent ainsi ne se contentent pas de répudier le passé, et, — ce qui serait plus légitime encore. — les principes actuels de l’art national : ils nient les progrès faits en Italie après le Pérugin, tandis que des historiens et des critiques célèbrent à l’envi les maîtres dont les préraphaélites travaillent à s’assimiler la manière.

Seule, l’école italienne demeurait jusqu’ici en dehors du mouvement, bien qu’elle parut plus intéressée qu’aucune autre à y participer. Aujourd’hui elle y entre, non par des créations originales, mais par d’importans travaux historiques. Florence est le principal théâtre de ces études. C’est à Florence que nous voudrions nous placer pour apprécier, en regard des tentatives de l’école de peinture contemporaine, les recherches nouvelles sur l’art du XVe siècle en nous aidant de la publication qui les résume le mieux.


I

Il y a quinze ans, dans cette ville de Florence où les artistes de tous les pays venaient s’informer et se convaincre, personne parmi les artistes nationaux ne songeait à prendre parti ni pour les peintres du moyen âge, ni pour les peintres de la renaissance ; chacun jugeait suffisant de donner raison à M. Benvenuti, médiocre continuateur de David, transformé en chef d’école ; à M. Bezzuoli, pâle talent dont toute l’originalité consiste dans le mélange du style académique français avec les habitudes de mise en scène du théâtre italien moderne. On applaudissait à l’Entrée de Charles VIII