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près. Comment expliquer cet insuccès, qui touchait à l’impuissance ? C’est que peut-être l’heure n’était point aussi manifestement venue. Malgré tout ce qu’il y avait de sérieux dans le conflit entre la Russie et l’empire ottoman, l’Autriche et la Prusse ne s’en rendaient point un compte aussi net que l’Angleterre et la France, ou elles hésitaient davantage à se prononcer. Peut-être aussi les souverains allemands, rattachés par des alliances plus intimes à l’empereur Nicolas, attendaient-ils quelques fruits d’une intervention directe et personnelle. Depuis, les circonstances se sont aggravées, l’opinion publique en Allemagne est allée chaque jour en se dessinant dans le sens des intérêts du continent. Les entrevues royales d’Ollmütz et de Varsovie ont eu lieu, et si rien n’a été obtenu de l’esprit de l’empereur Nicolas, il est vrai aussi de dire que de son côté le tsar n’a point réussi à détacher l’Autriche et la Prusse de leur véritable politique ; l’événement le démontre aujourd’hui. L’empereur de Russie n’avait même, dit-on, reçu aucune assurance sur la durée et la portée de la neutralité de l’Autriche. Enfin la guerre s’est définitivement allumée sur tous les points entre les armées russes et ottomanes, les flottes de la France et de l’Angleterre sont entrées dans le Bosphore, de jour en jour la possibilité d’une conflagration devenait plus évidente ; c’est ainsi, imaginons-nous, que tous les gouvernemens, en présence des catastrophes inévitables qui devaient résulter de cette situation, ont été ramenés au sentiment de leur véritable mission et de leurs vrais intérêts, désormais placés sous la sauvegarde de la résolution du 5 décembre. C’est maintenant aux cabinets de rendre cette résolution décisive et efficace, quelque difficulté qu’ils doivent rencontrer d’ailleurs au milieu des prétentions opposées qu’ils ont à concilier et des irritations qu’ils ont à apaiser.

La première chose, sans doute, serait de savoir à quel point en sont aujourd’hui les hostilités, dans quelle situation réciproque le protocole de Vienne trouve la Russie et la Turquie. Si cette situation est fort différente de ce qu’elle était à l’époque de la première conférence de Vienne, elle n’a point sensiblement changé depuis les premiers incidens qui ont signalé le commencement de la guerre. Au fond, jusqu’à ce jour, les chances étaient à peu près les mêmes, plutôt favorables à la Turquie qu’à la Russie. Sur le Danube, depuis le combat d’Oltenitza et la retraite de l’armée ottomane sur la rive droite du fleuve, nul engagement sérieux ne s’est produit. Les Turcs se sont avancés, dit-on, à une marche de Kalafat, qu’ils n’ont cessé d’occuper, et ont élevé un camp fortifié. Il n’en est point cependant résulté de choc entre les forces ottomanes et les forces russes. Les deux armées sont plutôt dans une attitude d’observation que de lutte acharnée. Quant au passage du Danube par les Russes eux-mêmes, c’est une opération peu probable tant que le prince Gortchakof ne pourra point disposer de forces plus considérables. L’acte récent le plus décisif de l’empereur Nicolas est l’envoi du général Budberg comme commissaire extraordinaire pour gouverner les principautés à la place des hospodars, qui se sont retirés, comme on sait. S’il n’y a point non plus en Asie de collision s’élevant au rang d’une bataille, il y a du moins une série de combats partiels heureux pour les Turcs. C’est ainsi que les Russes paraissent avoir échoué de nouveau devant le fort de Chefketil. Quelques avantages ont été également obtenus par les forces ottomanes sur les frontières de la Georgie, à Bayezid,