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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/211

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28 mars.

J’ai plaisir à revoir Puebla après Mexico. Plus que Mexico même, cette ville porte le cachet mexicain. La population semble avoir mieux conservé sa physionomie native : ce sont plus des sauvages et moins des leperos[1]. Je crois être en présence des diverses nations qui successivement ont peuplé le Mexique. J’aime à parcourir les rues et les places de Puebla, à observer la race ou plutôt les races indigènes qui les remplissent. Je remarque des types très différens. Quelquefois je suis frappé d’une ressemblance assez grande entre ceux que j’ai devant les yeux et ce type extraordinaire que présentent les monumens de Palenqué. Je ne m’en étonne point depuis que j’ai trouvé dans l’historien Clavigero que les Toltèques, un de ces peuples qui précédèrent au Mexique l’arrivée des Aztèques, se réfugièrent dans le Yucatan; ce qui porterait à croire que les curieux monumens de ce pays sont des monumens toltèques. Quelques débris de cette nation ont dû rester au Mexique, et peut-être je contemple en ce moment ces débris. D’autres Indiens ont une figure assez tartare, et ceci confirmerait encore l’opinion qui donne aux Mexicains une origine asiatique. Je vois défiler un corps de troupes qui se rend à l’église. Ces soldats sont chétifs et ont l’air très peu guerrier; leur costume ne l’est pas davantage : les uns portent des chapeaux noirs, et les autres des chapeaux de paille. Comment de pareilles troupes n’auraient-elles pas été battues par les milices que je voyais parader dans les rues de New-York, qui n’offraient pas un modèle parfait de la tenue militaire, mais qui au moins avaient un uniforme et marchaient d’un pas ferme et résolu, — me rappelant un peu l’allure martiale de la garde mobile avant qu’elle fût exercée? Du reste, cm me dit que pendant la guerre les Mexicains craignaient encore moins les rifles de leurs adversaires que leurs propres fusils vendus par des Anglais, quelquefois même, dit-on, par des Anglo-Américains, et qui éclataient sans cesse entre leurs mains. On ajoute que les Indiens, qui forment la très grande majorité de la population, étaient assez favorables aux envahisseurs. On ne voit pas en effet pourquoi ils eussent été très dévoués aux Espagnols, qui les traitaient fort mal. Cette désaffection et la manière dont l’armée était commandée expliquent les faciles succès des vainqueurs. Ceux-ci étaient parfois étonnés de leurs propres triomphes. Après avoir franchi la position de Buena-Vista, le général Scott disait : « Je ne conçois pas comment ils m’ont laissé passer. J’aurais défendu cette position avec trois cents Mexicains. »

Nous sommes allés visiter quelques cloîtres comme nous aurions

  1. Nom des lazzaroni du Mexique.