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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/213

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la queue de son manteau. On sait que les peintres chrétiens s’y sont pris de diverses manières et ont souvent employé des moyens bizarres pour exprimer le mystère de la Trinité. Je trouve ici une représentation de ce mystère qui n’est pas rare au Mexique : ce sont trois figures semblables; l’une tient une croix, c’est le Fils; l’autre un livre, c’est le Saint-Esprit; la troisième ne tient rien, c’est le Père.

J’ai remarqué aussi des dominicains indiens sculptés au plafond. Le catholicisme, plus volontiers qu’aucune autre communion chrétienne, ouvre les rangs de son clergé à toutes les races. Il a voulu montrer qu’il ouvrait aussi le paradis à toute la famille humaine, car il y a placé des saints chinois et des saints nègres.

La cathédrale de Puebla est construite sur le plan des cathédrales espagnoles. Le chœur, séparé du sanctuaire où se trouve le maître-autel et entouré d’une enceinte, obstrue la nef. Une disposition semblable nuit à l’effet général dans les cathédrales, si admirables d’ailleurs, de Tolède et de Séville. Du reste, tout est d’une grande magnificence. Le tabernacle est formé d’une seule pièce de tecali, espèce d’albâtre mexicain. Des marbres du pays, de couleurs variées, décorent l’autel; un beau crucifix en bois noir est, nous dit-on, un don de Charles-Quint. L’art de la sculpture en bois, qui a été porté si loin par les Espagnols, se révèle en ce lieu par des demi-figures pleines d’expression et de vie. A chaque objet que le guide nous fait remarquer, il a soin de dire : Muy viejo! (très ancien!) Cependant presque tout me semble appartenir au XVIIIe siècle. Un Christ peint est probablement de l’école de Bologne. De bonnes copies, réduites sur cuivre, de la Transfiguration et de la Communion de saint Jérôme ont été apportées de Rome par le dernier évêque de Puebla. Le chœur porte la date de 1722; les incrustations en bois qu’on appelle en Italie tarsie sont d’un art assez pur pour cette époque. Je crois retrouver un souvenir du goût moresque dans une chapelle dont les ornemens imitent les lettres arabes. On sait qu’au moyen âge on copia quelquefois les entrelacemens gracieux de ces caractères dans lesquels on ne voyait qu’une décoration, et qu’on a lu sur la dalmatique d’un évêque cette phrase du Koran, reproduite en toute innocence : « Il n’y a de Dieu que Dieu, et Mahomet est son prophète. » Pendant que nous visitions la cathédrale, un dominicain est monté en chaire et a prononcé un sermon dont le ton général était assez élevé. Il a montré dans Pythagore et dans Platon les précurseurs du christianisme. Il a dit que la charité était plus importante que la mortification. Cette prédication, inspirée par l’esprit du XIXe siècle, bien que conforme à l’esprit de l’église primitive, était d’une autre date que les dorures de l’église.

L’église des Carmes contient huit tableaux qu’on donne pour des