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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/218

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sommet a eu l’honneur d’être l’observatoire de M. de Humboldt. Les cimes du Popocatepetl et de l’Orizaba, qu’on découvre de la plate-forme, ont servi à lier deux endroits éloignés l’un de l’autre de près de trois cent mille mètres. On n’a pas souvent de pareils points de repère dans les mesures trigonométriques.

Du reste, sauf la forme, il n’y a, je crois, nulle analogie à établir entre les pyramides d’Egypte et les pyramides mexicaines. Les premières avaient certainement un but funéraire, et les secondes un but religieux. Dans les premières, on a trouvé des sarcophages, — celui de la grande pyramide de Gizèh est encore en place, — et dans la troisième, la planche du cercueil du roi Mycerinus avec le nom de ce roi. Le témoignage d’Hérodote ne pouvait recevoir une confirmation plus éclatante, et il n’y avait pas lieu à chercher de nos jours une autre destination aux pyramides d’Egypte. C’étaient d’immenses tombeaux. Rien n’était plus dans le génie égyptien que d’élever de gigantesques monumens en l’honneur des morts. Les tombeaux des rois creusés dans la montagne, près de Thèbes, ces palais souterrains qui renferment plusieurs étages et une foule de chambres, sont des monumens funèbres aussi étonnans que les pyramides. Partout on a entassé en l’honneur des morts la pierre, la brique ou simplement la terre, selon le degré de civilisation des différens peuples. Les collines artificielles qui subsistent encore sur les rives de la Troade, dans les plaines de la Scandinavie ou la vallée du Mississipi, ont été élevées dans une intention funéraire. Plus tard, une reine de Carie construisit le premier mausolée, sépulture gigantesque renouvelée par les Romains. On voit encore aujourd’hui à Rome deux mausolées : celui d’Auguste sert d’arène, et celui d’Adrien est une forteresse. Enfin dans la même ville un particulier obscur, du nom de Cestius, donnait à son tombeau la forme d’une pyramide de cent pieds. Tertres, mausolées, pyramides, c’est la même pensée, l’exécution seule varie d’après la nature des matériaux dont on dispose. C’est toujours une vaste masse élevée au-dessus du sol en mémoire d’un mort, et je ne vois pas quelle autre origine on pourrait attribuer au singulier monument des environs de Tours, qui est connu sous le nom de Pile-Cinq-Mars. Les pyramides du Mexique n’ont donc nul rapport avec les pyramides funéraires de l’Egypte. Les premières portaient à leur sommet un temple auquel on montait par des degrés ; elles n’en étaient, je pense, que l’immense soubassement, construit pour élever dans les airs le lieu où s’accomplissaient les sacrifices humains, et rendre visible à tout le peuple le terrible spectacle de cette immolation religieuse[1]. Le même effort

  1. On a trouvé à la base de la grande pyramide de Cholula une salle contenant des idoles et quelques ossemens, mais rien qui ressemblât à un sépulcre. M. de Humboldt pense que ces ossemens appartenaient à des prisonniers. Peut-être était-ce à des victimes. Le nom de Chemin de la Mort, resté à la route qui conduit aux pyramides de Teotihuacan, peut s’expliquer aussi par les sacrifices humains dont ces monumens étaient le théâtre.