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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/23

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Valentin ne venait à son aide avec son fils. Reine, filleule de maître Bienvenu, aimée du fils de son parrain, se sent entraînée par une passion irrésistible vers le fils de maître Valentin. Voilà toute la donnée. Rien au monde ne serait plus facile que de dénouer la difficulté, si Reine consentait à parler; mais elle craint d’affliger Pierre, le fils de son parrain, et se prête avec une étrange docilité à tous les mensonges imaginés pour abuser ce pauvre garçon. Suzanne Bienvenu, dont je n’ai pas encore parlé, doit épouser Noël Plantier. Comme Pierre et Valentin se sont juré une éternelle amitié, comme ils se sont engagés par serment à ne jamais laisser une femme prévaloir sur leur mutuelle affection, comme Pierre ne pourrait accepter sans désespoir la préférence accordée à son ami, la famille de l’amant dédaigné invente une ruse digne de Berquin et laisse croire à Pierre que Reine est éprise de Noël Plantier. Ce stratagème, plus ingénu qu’ingénieux, ne peut tarder à se découvrir, et c’est en effet ce qui arrive. Pierre, en apprenant qu’il est supplanté dans le cœur de Reine par Valentin, devient furieux et veut le tuer. Trop généreux pour persévérer dans ses projets de vengeance et pourtant exaspéré par le désespoir, il s’enivre afin de réduire à néant les bons sentimens qui arrêtent son bras. Il va frapper Valentin et l’étendre à ses pieds d’un coup de hache, lorsque son ami le désarme par une allocution dont je ne veux pas contester l’éloquence, mais qui étonne à bon droit dans la bouche d’un paysan. Et quand je parle d’étonnement, je n’entends pas discuter la nature même des sentimens exprimés par Valentin, mais la forme qu’il leur donne. Le langage qu’il a tenu pendant toute la pièce ne nous a pas préparés à cette explosion de rhétorique. Après une lutte de générosité qui rappelle Damon et Pythias, Valentin épouse Reine, et Pierre comprend, sans que nous sachions comment, qu’il n’est pas digne d’elle; Noël Plantier épouse Suzanne, et maître Valentin consent à vivre en bonne intelligence avec son rival maître Bienvenu.

A quoi se réduit l’action? Je serais vraiment fort embarrassé de le dire. Elle est d’une simplicité tellement enfantine, qu’elle échappe à toute définition. Le dénoûment est prévu dès la première scène, et la curiosité n’a pas le temps de s’éveiller. Que Reine parle, et la comédie à peine commencée finit brusquement. Pourquoi Reine ne parle-t-elle pas? C’est ce que l’auteur a négligé de nous expliquer, ou du moins ce qu’il indique trop vaguement. Elle craint d’affliger son parrain, à la bonne heure; mais elle connaît l’amitié mutuelle de Pierre et de Valentin, et ne peut espérer que son secret demeure éternellement caché. Cependant elle laisse croire qu’elle aime Noël Plantier. A parler franchement, cette pauvre Reine joue un rôle par trop passif. Elle ne vit pas, elle se prête, comme une poupée, à tous les caprices des personnages qui l’entourent. Douce et bonne,