Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/234

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour prendre la responsabilité du fait, et on a pendu les condamnés. Ce procédé judiciaire peut sembler dangereux, et chez nous le serait, je crois, beaucoup. J’ai demandé, non à des Américains, qui auraient été suspects de partialité pour cette procédure américaine, mais à des Allemands, à des Français qui venaient de San-Francisco : — Y a-t-il eu quelque condamnation qui ne fût pas évidemment juste? — Aucune. — Les membres du comité de surveillance n’ont-ils pas cherché à profiter de l’autorité dont ils étaient investis pour satisfaire des haines particulières, au moins pour se donner une importance politique et servir des intérêts de parti? — Jamais, c’eût été impossible. Le jour où leur action n’a plus été rigoureusement nécessaire, ils se sont séparés en déclarant que, si les circonstances l’exigeaient, ils se réuniraient de nouveau. — Telles sont les réponses qui m’ont constamment été faites. Je craindrais que partout ailleurs que chez des Anglo-Saxons une semblable expérience ne réussît pas. Je ne conseillerais point, par exemple, à des Français de la tenter.

Tout le monde en Europe a les yeux tournés vers la Californie, vers cet Eldorado rêvé par les conquistadores du XVIe siècle, qui leur échappa toujours comme en punition de leur cruauté, et devait se révéler en 1848 à un officier de la garde suisse de Charles X; mais on ne sait pas en général l’histoire de ce pays dont on parle tant. J’en dirai quelques mots.

Cortez toucha la côte de Californie, où un de ses lieutenans avait abordé le premier. Le golfe de Californie s’est appelé d’abord Mer de Cortez; mais le navigateur espagnol ne fonda aucun établissement dans ce pays, qui, chose curieuse, devait être conquis par des jésuites. Après s’être fait autoriser à cette conquête par le gouvernement de Mexico, les pères se mirent à l’œuvre. Le père Salvatierra débarqua sur la côte avec cinq hommes et leur caporal, éleva un mur autour d’une chapelle où il avait placé l’image de Notre-Dame-de-Lorette, et défendit contre les Indiens ce petit fort, qui fut plus tard la capitale de la basse Californie. De leur côté, des franciscains plantèrent une croix dans la Californie supérieure, au fond d’une rade magnifique qu’ils appelèrent San-Francisco; les apôtres de la pauvreté marquaient sans le savoir la place de la ville d’or.

L’histoire du gouvernement de la Californie par les missions est une admirable histoire. Résistant aux Indiens par les armes et pansant leurs blessés après le combat, les nourrissant, les instruisant, les gouvernant comme des enfans, défrichant le pays, agriculteurs, architectes, artisans; bâtissant des églises, des maisons, des moulins, jetant des ponts, creusant des canaux, les jésuites montrèrent là comme ailleurs cette possibilité de tout faire qui est le propre de leur institut. L’indépendance du Mexique et les révolutions qui la