Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/262

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de guide la nuit aux voyageurs égarés dans ces landes inhabitées.

De même que la grande propriété, la grande culture fleurit dans le Lincoln; on y trouve des fermes de 400, 500 et même 1,000 hectares. De pareilles fermes ont de 100 à 200 hectares de turneps, autant d’orge ou d’avoine, autant de trèfle, autant de froment; c’est un spectacle magnifique. Les bâtimens aratoires sont en excellent état, les fermiers, presque tous riches, vivent libéralement. La plupart ont de belles maisons, de nombreux domestiques, des équipages de chasse, de superbes chevaux de main. C’est, comme le Norfolk, le beau idéal de la grande propriété et de la grande culture. Je ne cite pas une seule ferme; il faudrait les citer toutes. Dans les parties du comté plus naturellement fertiles, on retrouve la moyenne et même la petite culture.


III.

Si la région du sud est la zone des céréales et celle de l’est le principal domaine de l’assolement quadriennal, celle de l’ouest a aussi son caractère particulier; là dominent les herbages, cette primitive richesse du sol anglais. La prospérité rurale de cette région n’est pas de création moderne; elle date de loin. Toute la richesse agricole de l’île était autrefois concentrée dans deux zones, les herbages de l’ouest et d’une partie du centre, et les terres à blé du sud-est; tout le reste n’offrait que des bruyères, des marais et des montagnes incultes. Depuis, les terres à blé ont été dépassées par les terres légères soumises à l’assolement quadriennal; mais les herbages ont conservé leur antique supériorité. Il pleut trois fois plus dans l’ouest de l’Angleterre que dans l’est. Les émanations salines que les vents y apportent de l’océan paraissent d’ailleurs exercer sur la végétation de l’herbe une influence qui se reproduit sur nos côtes occidentales. De temps immémorial, des comtés entiers n’y forment qu’une immense prairie couverte de troupeaux, et les générations de bétail qui s’y sont succédé y ont déposé une masse d’engrais qui ne cesse de s’accroître. Ces prairies sont, comme la houille, un don du ciel; toute l’économie rurale de l’Angleterre en découle, car ce sont elles qui ont appris par expérience aux cultivateurs britanniques l’importance du bétail en agriculture. Le comble de l’art a été d’imiter ailleurs ce que la nature donnait si libéralement dans l’ouest.

Aujourd’hui les pays d’herbages commencent à leur tour à rester en arrière. Comme il arrive toujours après une longue prospérité, ils se sont endormis dans leur facile succès, pendant que tout marchait autour d’eux. Les agronomes actuels sont en général assez peu favorables à ce qu’on appelle le vieux gazon, old grass; l’art de l’homme n’y est que pour peu de chose, et partout où il s’en trouve