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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/339

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conforme à celle que nous émettons. Ce qu’il y a de certain, c’est que pas un mot dans la série de ses écrits, depuis les Considérations jusqu’au dernier de ses articles de polémique qui a pour titre : Par où on s’en va, — Por donde se sale, — pas un mot ne met en doute la légitimité d’Isabelle II. Seulement il était frappé en même temps de la singulière force de conservation qui résidait dans le parti carliste, même après sa défaite. Balmès a rédigé successivement plusieurs journaux de 1840 à 1848, — la Civilizacion et la Sociedad à Barcelone, le Pensamiento de la nacion à Madrid : c’est là qu’il faut aller chercher ses idées. Du reste, en étudiant chaque crise, chaque phase, chaque prétention, chaque symptôme, il ne se plaçait nullement à un point de vue abstrait. La valeur des formes politiques elles-mêmes, la diplomatie et les mots d’ordre des partis, les mécanismes organisés pour dégager l’opinion publique, ne lui imposaient que médiocrement comme expression de la situation réelle de l’Espagne. A ses yeux, il n’y avait qu’un critérium infaillible : l’histoire du pays, les faits; il n’y avait qu’une méthode sûre dans la politique comme dans les sciences naturelles : l’observation. C’était, si l’on nous passe le terme, une intelligence expérimentale.

Or, en appliquant ce procédé d’observation à l’Espagne au sortir des crises de la guerre civile et encore au milieu de l’incandescence des passions, qu’apercevait l’auteur des Considérations ? Il voyait d’une part un état de société persistant et survivant, et de l’autre une série de bouleversemens factices. La révolution proprement dite, considérée en elle-même, ainsi que nous l’indiquions, n’est point le fruit d’un mouvement intime, spontané et profond de la société espagnole. Balmès l’appelle une véritable surprise; elle a été tout au moins quelque chose d’assez superficiel, ne répondant en rien aux plus invincibles instincts du peuple espagnol, aux élémens permanens de cette société pleine de mystères. De là son impuissance, sa stérilité en hommes et en idées, son impopularité même. La révolution n’est point assez forte pour rien fonder au-delà des Pyrénées; mais elle est assez forte pour troubler profondément le pays, pour ouvrir un champ de bataille aux passions, pour créer cette incohérence qui naît d’une contradiction perpétuelle entre les lois et les mœurs, et pour placer la Péninsule, comme bien d’autres peuples, dans cette voie fatale où tout les conduit à l’anarchie. Quel peut être le remède à cette situation ? La nature du mal indique ce remède. Balmès se servait d’une expression qui est depuis passée en France. La nation espagnole lui apparaissait semblable à une pyramide assise sur son sommet et qu’il faut replacer sur sa base; en d’autres termes, il fallait rapprocher les institutions politiques de l’état réel d’une société restée à travers tout religieuse et monarchique. Mais sur quel terrain et par quels moyens pouvait s’opérer cette reconstruction ? Indubitablement sur