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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/435

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convertie au christianisme dès le temps de Constantin le Grand, la Géorgie qui, pendant le moyen âge, surtout sous les glorieux règnes de David III et de la reine Thamar, était devenue un des plus puissans empires de l’Asie occidentale, et qui, depuis lors, envahis par Gengis-Khan au XIIIe siècle, ravagée par Tamerlan au XIVe n’a échappé au joug des Turcs et aux cruautés des Perses que pour trouver un refuge, au prix de son indépendance, sous la domination moscovite. Quelles traditions aussi chez la race arménienne! elle possédait jadis l’Ararat, le bassin de l’Aras et tout le pays qu’arrosent le Tigre et l’Euphrate, heureuses vallées où les plus antiques traditions du genre humain placent naïvement le paradis terrestre. M. Wagner et M. Bodenstedt ont consacré deux ouvrages spéciaux à ces splendides provinces; le Voyage en Colchide, de M. Wagner, est un brillant appendice à son Voyage dans le Caucase, et quant à M. Bodenstedt, les plus gracieuses pages qu’il ait écrites sont un tableau familier de la Géorgie. Sous le titre de Mille et un jours en Orient, M. Bodenstedt nous raconte d’une plume charmante son séjour à Tiflis. Que de figures spirituellement dessinées passent et repassent sous nos yeux ! Je recommande le sage de Gjandsha, Mirza-Schaffy, le poète et le sage, — le premier des sages, comme il l’explique lui-même à M. Bodenstedt en lui apprenant l’arménien. A côté de Mirza-Schaffy, il y a aussi le sage de Bagdad, Mirza-Yussuf, il y a surtout le théologien Kouli-Khan, et les entretiens du voyageur avec tous ces curieux personnages nous initient d’une façon ingénieuse à tous les secrets de la société géorgienne. Ces peintures humoristiques ne semblent-elles pas parfaitement appropriées à ce pays où les traditions chrétienne, et l’esprit oriental composent un si aimable et si singulier mélange ? On passerait volontiers de longues heures à écouter M. Bodenstedt discuter avec le sage de Gjandsha; mais, tandis qu’on s’abandonne à ces loisirs, l’écho du Caucase nous apporte les cris de guerre qui retentissent du Dariel jusqu’à la mer Caspienne. Tiflis n’est qu’une halte dans notre voyage. Il est temps de quitter cette Colchide si brillamment décrite par M. Wagner, cette Géorgie qui a inspiré à M. Bodenstedt de si spirituels tableaux de genre. Shamyl, le second prophète d’Allah, entraîne à la guerre sainte les cavaliers du Daghestan; toute la Tchétchénia est en feu : c’est là qu’il faut suivre nos deux guides.


II.

Il y a longtemps que la lutte est ouverte entre les peuples du Daghestan et les conquérans moscovites; pour en retrouver les premières traces, il faut remonter au fond du moyen âge. M. Wagner