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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/487

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coulés une réparation faite à temps, on finit par avoir à reprendre toute une maçonnerie pour la refaire à neuf, ce qui occasionne une brèche notable au budget. Une autre conséquence est que les colons, ne pouvant abreuver leurs bestiaux, sont obligés de les vendre à tout prix et d’interrompre leurs travaux. L’entretien de ces conduits devrait être laissé à la charge des villages, moyennant la constitution d’un budget communal formé de prestations en argent ou en nature, ou, au pis-aller, pris sur le budget de la colonisation, dont on détacherait ces dépenses. L’état et les colons y gagneraient. L’administration a par malheur toujours tenu trop étroitement les colons sous sa tutelle. En leur interdisant de rien faire, elle s’est condamnée à tout faire, ce qui est une autre façon de se condamner à ne rien faire, car tout reste à moitié fait, ou mal fait, ou fait à contre-temps, et l’argent se gaspille en pure perte. De là les inconvéniens que nous venons de signaler, de là l’obligation de devenir la mamelle des colons et de leur prodiguer ce qu’on ne leur devait pas, après leur avoir refusé ce qui leur était dû, ce qui est la première de toutes les nécessités de la vie : un peu d’air, de liberté, de spontanéité.

Au commencement de 1847, le maréchal Bugeaud a employé les troupes à des travaux de défrichement dans presque tous les villages du Sahel. C’était une satisfaction qu’il donnait à la fois à deux instincts presque opposés, quoique très réels chez lui : sa sollicitude d’agriculteur et de gouverneur pour la colonisation, qui était son œuvre; sa partialité pour l’armée, dont il voulait faire l’élément universel et le grand pivot de la colonisation. Il disait au colon avec une bonté sincère : « Je viens à ton secours parce que je vois que tu as de la peine à te tirer d’affaire, » et en même temps, se retournant vers la France, vers l’opinion, il leur disait : « Voyez où en serait votre prétendue colonisation civile sans l’armée ! »

Le travail des soldats a certainement profité aux colons; mais, tout compte fait, et quoique ce travail ne fût payé que dix sols par jour, le même résultat aurait pu être obtenu à moins de frais par d’autres moyens. C’était l’avis des colons, qui trouvaient que les soldats n’extirpaient pas complètement le palmier nain ni les racines de la broussaille. C’était aussi l’avis de M. le comte Guyot, directeur de la colonisation, depuis préfet de l’Eure, qui trouvait très cher le prix que son budget avait dû payer (25,000 fr.), comparé à la besogne faite. Le travail du défrichement, pour être bien fait, demande une habitude et une sollicitude que le soldat n’y apportait pas et que l’on ne pouvait pas en conscience exiger de lui. Ouled-Fayet eut pour sa part à loger, pendant un mois, une centaine de soldats qui lui défrichèrent 52 hectares.

Au-delà d’Ouled-Fayet, les villages de Saint-Ferdinand, du Marabout d’Aumale et de Sainte-Amélie appartiennent au système du colonel Marengo, qui a déjà été exposé. Il faut ajouter qu’à chacun de ses villages le colonel Marengo annexait une grande ferme destinée à un colon plus aisé, dont l’argent aurait pu vivifier un peu le travail du village. On comptait mettre ainsi le capital à portée des bras et les bras à portée du capital. L’idée, bonne en elle-même, n’a pas réussi, je crois, pour avoir été appliquée en des lieux trop ingrats. Il n’y a pas de sac d’écus, si gros qu’il soit, qui ne reculât d’horreur à l’aspect des palmiers nains dont il aurait à venir à bout sur les terres où sont situées les fermes de Saint-Ferdinand, de Sainte-Amélie et surtout de