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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/507

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grande agriculture ne viendra qu’avec les grands débouchés, et ceux-ci qu’avec des routes régulièrement percées et un commerce solidement assis dans les villes. Il importerait donc avant tout de rendre à l’agriculture des terres qu’on aurait sous la main, mais qui sont aujourd’hui envahies par les eaux, et qui à ce premier dommage ajoutent celui de rendre inhabitables les terres voisines, où elles répandent le venin des maladies et de la mort. Si sur les 120,000 hectares dont se compose la Metidja on en pouvait, par ce moyen, conquérir seulement 4 ou 3,000 dans le rayon d’Alger, de Blida et de Koléah, ce serait une grande conquête dont toute la plaine se ressentirait. Et si l’on venait à bout de terminer la ligne de villages du pied de l’Atlas en commençant par ce Rovigo dont les colons, tirés de France il y a déjà huit ans, sont morts de désespoir et de misère en attendant les terres promises, on compléterait le monument du maréchal Bugeaud, on rentrerait dans la tradition de ses idées grandes et justes, et j’ai suffisamment dit qu’il les avait naturellement ainsi, quand l’essor n’en était point gêné par des préventions ou par des pré- occupations étrangères. La soumission de la Kabylie va sans doute simplifier la question de la colonisation des terres situées au-delà du Hamiz. Il faudrait s’empresser de peupler ces 6,000 hectares, qui feraient une magnifique bordure à la route de Dellys dans sa traversée de la plaine. Elle leur prêterait une vie qu’ils lui rendraient avec usure.

Si, en revenant de Blida à Alger, on quitte aux Quatre-Chemins la route nouvelle qui côtoie la plaine, pour prendre l’ancienne, qui continue tout droit en pénétrant dans le massif du Sahel, on a devant soi et à droite le principal noyau de la colonisation administrative, les villages parcourus jusqu’ici n’étant que ses postes avancés ou ses vedettes. Ces villages intérieurs du Sahel sont : Douéra, Cressia, Baba-Hassen, Draria, El-Achour, par où l’on rejoint Deli-Ibrahim; Saoula, par où l’on rejoint Bir-Khadem, situé sur la nouvelle route d’Alger à Blida, et enfin Kouba, tout à fait à la pointe orientale du Sahel. Ces villages, de fondation administrative, sont, à l’exception de deux ou trois, entremêlés d’une série ininterrompue d’habitations ou d’exploitations formant, sinon des villages compactes et ramassés comme les autres, du moins de véritables communes et un vaste massif de cultures. Dans cette catégorie de formation spontanée sont : Tixeraïn, Birmandreis, Idra, El-Biar, etc. Sous cette latitude, tout change : la terre est toute civilisée, la colonisation forme un réseau continu, les villages administratifs eux-mêmes perdent jusqu’à un certain point le cachet de leur origine. Ce cachet est, quant à l’aspect extérieur, la nudité et l’uniformité. Les villages où cette transformation commence sont Draria et El-Achour. Elle est complète à Saoula, à Bir-Khadem et même aussi à Kouha. Il n’y en a pas l’ombre aux villages qui marquent l’extrémité du rayon, à Douéra, à Cressia, à Baba-Hassen.

Douéra remonte, comme Deli-Ibrahim et Boufarik, aux temps mythologiques de la colonisation. Son origine se perd dans les fumées d’un camp. Une forte garnison, des casernes, un hôpital et les nombreux états-majors militaires ou administratifs qu’entraîne une pareille réunion de grands établissemens, lui donnèrent d’abord le caractère d’une petite ville plutôt qu’un caractère rural. Douéra était la clé militaire du Sahel et la sentinelle avancée d’Alger. Peu à peu ce rôle fut dévolu à des villes qui laissaient derrière elles l’Atlas et qui enfin arrivèrent sur la lisière du désert. La splendeur de Douéra