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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/54

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la convention, pour sa propre sûreté, avait fait assez bonne guerre aux ultra-démagogues, la France lui en savait gré, et, faute de mieux, se rattachait à elle, la soutenant de ses vœux froidement, sans amour ni estime. Les conventionnels de leur côté, tout en profitant de cet appui, sentaient qu’il était précaire et se défiaient de la France. Abandonner entre ses mains le sort de la révolution, c’eût été à leurs yeux une imprudente impardonnable; eux seuls en pouvaient être bons gardiens. La droite, sur ce point, était d’accord avec la gauche. Pas d’élections, pas d’appel au pays, tel était leur commun symbole. Mandataires non de la France, mais de la faction qui depuis le 10 août s’était emparée de la France, ils n’avaient qu’une pensée et ne connaissaient qu’un devoir, conserva le pouvoir à leurs commettans, c’est-à-dire s’y maintenir eux-mêmes comme dans une place de sûreté.

Cette prétention de perpétuer leur mandat n’apparut clairement qu’après le rappel des représentans proscrits; aussitôt que le public s’en aperçut, ses défiances s’éveillèrent, et la mésintelligence entre l’assemblée et le pays, à peine visible jusque-là, devint bientôt vive et flagrante.

Ici commence le dernier acte, l’épilogue de cette histoire. La convention comptait alors près de trois ans de règne et n’avait encore créé que des ruines; l’édifice républicain n’était pas même hors du sol : la constitution de 93 était son seul fondement, cette constitution morte en naissant, reconnue impraticable par ses auteurs eux-mêmes, et bâtie sur un système dont l’expérience avait si cruellement fait justice. Victorieuse des jacobins en germinal et en prairial, épurée une dernière fois et rendue au calme et au silence par la fuite ou l’incarcération d’une partie de la montagne, la convention pouvait en toute liberté accomplir sa mission législative; mais elle semblait peu empressée à y mettre la main, comme un avare au lit de mort répugne à faire son testament. Il fallut s’y décider pourtant, et la constitution de l’an III vit le jour.

Ce code politique, bien qu’impatiemment attendu, n’inspirait à personne une aveugle confiance. Le temps n’était plus où nos pères assistaient dans des transports d’enthousiasme et avec une curiosité crédule à l’enfantement de cette constitution de 91, que vingt-quatre heures après sa naissance ils devaient mettre en lambeaux. Ils avaient traversé six années de révolution, et savaient, moins bien que nous, mais déjà passablement, ce que valent les constitutions et leurs promesses. Néanmoins, comme la masse du pays était résignée bon gré mal gré à expérimenter la république, et comme la nouvelle œuvre législative semblait avoir mis à profit les leçons du passé, évitant les dangers d’une assemblée unique, écartant par de minutieuses