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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/597

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permis de rentrer sur la scène où ils ont régné un moment. Aussi parlait-on récemment d’une alliance nouvelle entre M. Kossuth et M. Mazzini, quelque peu refroidis l’un envers l’autre, comme on sait, par la dernière insurrection de Milan. Il n’est rien de tel que l’insuccès pour mettre la guerre civile entre les dieux de l’olympe révolutionnaire; il n’est rien de tel que la possibilité entrevue de quelque intervention nouvelle pour les réconcilier, et c’est là, il faut le dire, une manière particulière de rendre plus sensible l’intérêt qui s’attache au maintien de la paix de l’Europe. Faut-il voir un des épisodes de cette effervescence dans les arrestations qui viennent d’avoir lieu en France ? Elles ne sauraient évidemment avoir toutes le même caractère, et il en est d’assez nombreuses qui ont été suivies d’une prompte mise en liberté. D’autres semblent plus sérieuses, et parmi celles-ci on compte, à ce qu’il paraît, l’arrestation d’un délégué de l’émigration de Londres, ancien commissaire de la république de 1848 dans ses premiers temps. Quoi qu’il en soit, c’est sur un certain nombre de points à la fois que des mesures de rigueur ont été prises et que des investigations ont été opérées. Si une pensée d’agitation a pu être conçue quelque part, elle contraste singulièrement à coup sûr avec l’état du pays, bien plus occupé de pourvoir à ses intérêts que de faire honneur à la mémoire de la république par la lecture clandestine de quelque brochure démagogique. Ce serait là, dans tous les cas, comme nous le disions, la conséquence d’une crise extérieure prolongée allant réveiller les passions militantes là où elles existent encore.

Veut-on voir une autre conséquence possible de cette crise dans un domaine différent ? Si les complications actuelles s’aggravaient, elles auraient évidemment pour premier effet de porter un coup singulier à cet immense mouvement qui s’est fait sentir partout, dans l’industrie, dans le commerce, dans les finances. Récemment encore, le gouvernement publiait un relevé des recettes publiques depuis le commencement de 1853. Or que résulte-t-il de ce relevé ? C’est que les revenus publics n’ont cessé de s’accroître, et que la présente année offre une augmentation assez notable sur l’an dernier. Le mois de septembre 1853 a produit sept millions de plus que le mois de septembre 1852. Le troisième trimestre de l’année courante a produit dix-sept millions de plus que la période identique de l’année dernière. Dans l’ensemble, les neuf premiers mois de 1853 ont donné 40 millions de plus que les neuf premiers mois de 1852, et comme les recettes dépassent les prévisions du budget, il y aura là sans doute de quoi combler le déficit qui existait. C’est là d’ailleurs un résultat suffisant. A un autre point de vue, ce n’est pas que toute augmentation dans les recettes de l’état soit d’une manière absolue le signe d’un progrès correspondant dans la richesse publique; mais c’est du moins le symptôme de cette grande activité d’affaires qui s’est manifestée depuis quelque temps.

Les questions matérielles ont en effet pris le dessus parmi nous, cela est évident. De l’agitation politique, on passe à l’agitation de l’industrie, et les spéculations les plus aventureuses ne sont pas celles qui effraient le plus souvent. Il y a bien des gens qui échangent les droits de l’homme contre des titres quelconques de chemins de fer. Il n’y a qu’une chose à laquelle on ne s’accoutume point : c’est de ne pas jouir de toute sécurité pour sa vie sur ces