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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/641

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avoir épuisé l’étude de Pascal prise en lui-même, ait cherché dans la vie de Jacqueline le complément de cette étude. Passionné pour son héroïne, il a plus d’une fois exalté des pensées qui laisseront le lecteur indifférent. Toutefois je ne voudrais pas condamner d’une manière absolue son excessive indulgence : s’il eût été complètement désintéressé, peut-être n’eût-il pas recueilli avec un soin aussi patient tous les élémens de cette biographie. Pour ma part, je lui sais bon gré d’avoir mis sous nos yeux l’intérieur de la famille Pascal et de nous avoir révélé l’âme tout entière de Jacqueline. Il n’a rien négligé pour éclairer son sujet. Nous suivons d’année n année le développement intellectuel et moral de la jeune fille, depuis ses visites à la cour d’Anne d’Autriche jusqu’au moment où, saisie d’un invincible dégoût pour la vie du monde, elle supplie son père de lui ouvrir les portes du couvent. Les impromptus « composés dans le cabinet de la reine amènent plus d’une fois le sourire sur nos lèvres, mais ne font pas grand honneur au talent poétique de l’auteur. Ils nous montrent combien il faut peu de chose pour occuper les courtisans et mériter leurs applaudissemens. Une flatterie, si puérile qu’elle soit, lorsqu’elle s’adresse aux têtes couronnées, les ravit en extase. Un sonnet sur la grossesse d’Anne d’Autriche, écrit par une fille de douze ans, passait alors pour un prodige de génie, et pourtant la manière dont Jacqueline a traité le sujet n’est pas moins étrange que le sujet lui-même. Les mouvemens de l’enfant dans le sein de sa mère sont pour elle un présage de gloire et de puissance. Ce poète qui jouait encore à la poupée, prédit à l’Europe un roi victorieux - Tremblez, dit-elle aux rivaux et aux ennemis de la France, tremblez, car le roi qui va naître révèle dès à présent son génie guerrier. — Il n’en fallait pas davantage pour émerveiller les familiers de la reine. Une pensée si délicate et si ingénieuse leur semblait tellement au-dessus des facultés d’un enfant, qu’ils emmenaient Jacqueline dans une salle voisine du cabinet de la reine, et lui proposaient un sujet nouveau à traiter impromptu, pour s’assurer qu’elle était bien l’auteur du fameux sonnet. Jacqueline les contentait à l’instant, comme pourrait faire un improvisateur de profession, et ravis d’aise, ils la comblaient de caresses et de dragées.

Tous ces enfantillages sont racontés par M. Cousin d’une façon charmante. En biographe convaincu que rien n’est à négliger dans la vie d’un personnage important, il prodigue volontiers les détails, et je suis loin de m’en plaindre, il prodigue volontiers les détails, et je suis loin de m’en plaindre. Si le sonnet de Jacqueline n’est pour moi qu’une œuvre parfaitement insignifiante, et ne mérite pas même un instant d’attention, littérairement parlant, le rang des auditeurs qui l’ont applaudi lui donne un intérêt historique. À peine digne de figurer dans un album de famille où seraient avidement