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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/662

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Si le beau est le but suprême de tous les arts, il est évident que toutes les formes de l’imagination, depuis les arts du dessin jusqu’à la musique, jusqu’à la poésie, ont pour loi une certaine expression. Il y a dans les arts du dessin deux parts à faire : la peinture et la statuaire, qui sont considérées par la foule ignorante comme des arts de pure imitation, et l’architecture, qui échappe heureusement à cette définition incomplète. M. Cousin remarque avec raison que la peinture est généralement plus expressive que la statuaire : cependant il ne faudrait pas attribuer à cette remarque une valeur absolue, car des exemples nombreux viendraient la démentir. Le Laocoon trouvé dans les thermes de Titus, qui se voit aujourd’hui au Vatican, la Famille de Niobé, placée dans une des salles du palais des Offices à Florence, prouvent surabondamment que la statuaire n’est pas condamnée à l’expression de la beauté immobile. Sauf cette restriction, l’opinion de M. Cousin me parait conforme à la vérité. Il est incontestable, en effet, que les moyens d’expression dont la peinture dispose sont plus nombreux que les moyens possédés par la statuaire. Ici pourtant j’éprouve le besoin de soumettre à M. Cousin une objection très grave : il paraît croire que la peinture, en raison même de ses nombreux moyens d’expression, est plus voisine de l’idéal que la statuaire. C’est, à mes yeux, une erreur radicale. La statuaire, qui exprime la forme pure, abstraction faite de la couleur, est plus voisine de l’idéal que la peinture, qui exprime la forme, plus la couleur. Si vous voulez une preuve à l’appui de mon affirmation, prenez la Psyché du musée de Naples, connue longtemps sous le nom de la Vénus de Capoue, dont la tête respire une pudeur divine, et comparez-la à la Psyché de la Farnésine. Quel est l’auteur de la Psyché de Naples ? Personne ne le sait. Est-ce l’œuvre de Polyclèle ou d’Ageladas ? Peu importe. Ce qui est certain, c’est que ce fragment précieux ne vaut pas moins, sous le rapport de l’expression, que la Psyché de Raphaël, altérée dans son coloris par Carlo Maratta, mais dont nous possédons au Louvre un admirable dessin à la sanguine, reproduit avec une fidélité religieuse par Butavant.

Il n’est donc pas vrai que la statuaire, envisagée d’une façon absolue, soit moins expressive, c’est-à-dire moins voisine de l’idéal, que la peinture ; Plutarque, Pausanias, Pline l’Ancien, sont là pour démentir cette affirmation. Comparez les assertions de Plutarque dans la vie de Périclès, celles de Pausanias dans la description de l’attaque, au trente-cinquième livre de Pline l’Ancien, qui traite de la statuaire et de la peinture antique, et vous verrez ce que pensaient la Grèce et l’Italie sur les moyens d’expression dévolus à la peinture et à la statuaire. La Minerve du Parthénon et le Jupiter olympien, dont il ne reste rien aujourd’hui, n’étaient pas, au dire de Plutarque et de