Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/757

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’on voit encore aujourd’hui en face de la principale entrée de Copenhague. Quatre statues en décorent la base : l’une représente la fidélité avec un chien étendu à ses pieds ; la seconde, qui figure le courage, tient des piques dans les plis d’un drapeau ; la troisième représente les travaux du paysan et sa récompense ; elle a une main posée sur une charrue, et tient de l’autre une corne d’abondance ; la quatrième enfin est un symbole de l’amour de la patrie et porte une couronne civique. L’une des faces du monument porte cette inscription : « Notre roi a reconnu que la liberté civile inspire l’amour de la patrie et le courage de la défendre, le désir des lumières, le goût du travail et l’espoir salutaire du bonheur. » Sur l’autre face, on peut lire : « Le roi a ordonné que le stavnsbaand fût aboli, et que les lois sur l’agriculture fussent bien et dûment obéies, afin que le paysan libre pût devenir un bon, brave et intelligent citoyen. » Enfin le piédestal porte cette dédicace : « A Christian VII, roi de Danemark et de Norvège, les citoyens danois unis et reconnaissans, » et ces seuls mots significatifs en l’honneur du prince régent : « La base de ce monument a été posée en 1792 par Frédéric, fils du roi et ami du peuple. »

L’essor une fois donné à la liberté ne s’arrêta pas. Comme la condition des paysans du Jutland avait été améliorée par l’abolition du slavnshaand, celle des paysans du Slesvig et du Holstein le fut par l’abolition du livegenskab. Le comte de Bernstorf ne vit pas ce beau résultat de ses efforts ; il mourut le 21 juin 1797, laissant au comte de Reventlow la gloire de développer et d’achever ce que tous deux ensemble avaient commencé, Reventlow y travailla pendant trente années encore avec l’aide de la royauté. Il s’efforça de rendre la corvée moins onéreuse et moins tyrannique en la soumettant à des formes plus précises. Son but suprême fut d’engager par tous les moyens les grands propriétaires à suivre l’exemple de la royauté non-seulement par des concessions nombreuses à leurs paysans, mais par la vente même d’une partie de leurs domaines à ceux d’entre ces paysans à qui leurs économies passées ou des emprunts rendus faciles permettaient de devenir, eux aussi, propriétaires. Dans l’espace de vingt années, de 1786 à 1806, cent vingt-six grands propriétaires reçurent l’autorisation de vendre les terres où la loi les obligeait naguère de nourrir des paysans vassaux, et par suite, un quart environ des paysans danois devinrent, pendant cette période, non-seulement fermiers à vie (livsfoestere), c’est-à-dire usufruitiers pendant leur vie moyennant certains engagemens et certaines redevances annuelles, mais fermiers héréditaires (arvefoestere), c’est-à-dire pouvant léguer et vendre la ferme, sans pouvoir toutefois emprunter sur hypothèque, puisqu’ils devaient à perpétuité au véritable propriétaire