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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/761

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et impartiale de la représentation selon l’état actuel de la propriété, les grands propriétaires eussent envoyé aux assemblées provinciales un nombre de députés huit fois moins grand. Il faut évidemment chercher la cause de cette inégalité dans les circonstances extérieures qui avaient alors modifié la politique du gouvernement danois. La révolution de juillet avait soulevé en Europe une première effervescence toute populaire d’où était née l’institution des états provinciaux, promise, au moins pour le Holstein, dès 1815 ; mais ces états ne s’étaient assemblés et leur institution n’avait été définitivement réglée qu’en 1834, c’est-à-dire au moment où l’Europe, ayant reconquis un peu de calme, était revenue en partie à ses anciens principes de gouvernement. Il se trouvait que la révolution s’était faite au profit des classes ayant en mains la propriété, et il n’est pas difficile de s’apercevoir, pour ce qui concerne le Danemark, que son gouvernement avait obéi à une réaction anti-démocratique, en conférant aux classes élevées une supériorité notable dans les nouvelles assemblées.

Du reste, les droits et la sphère d’action des états provinciaux étaient fort restreints. Les états étaient purement consultatifs ; leur convocation n’était pas réglée d’avance, elle dépendait du bon plaisir du roi, qui toutefois permettait de les assembler tous les deux ans. Le roi fixait lui-même la durée de chaque session : elle était ordinairement de deux mois, délai fort insuffisant pour un examen sérieux des affaires, et qui ne permettait pas de délibérer sur les pétitions privées, lesquelles ne pouvaient être discutées qu’après les propositions royales. Ainsi constitués, les états provinciaux donnèrent pendant quatorze ans au Danemark, de 1834 à 1848, une représentation incomplète. Leur établissement n’était, ni par l’effet ni même par l’intention, en harmonie avec les sages et libérales réformes qui avaient récemment favorisé la cause des paysans et celle de la bourgeoisie ; il avait même le tort d’introduire des divisions malheureuses dans un petit pays dont il fallait diriger tous les efforts vers l’unité. Toutefois ce fut pour le Danemark un sérieux essai de la vie parlementaire : la nation s’habitua à se voir représentée ; elle commença à penser que les affaires ne devaient pas se passer de son intervention ; le Danemark apprit à se servir de la tribune. Quelque lent et insensible qu’il puisse paraître, ce fut un progrès vers la liberté. Les réformes sociales avaient amené les réformes politiques.

Le règne de Frédéric VI avait été ainsi pour le Danemark l’époque précise d’une transition des institutions du moyen âge aux institutions communes à presque toute l’Europe moderne, et bien que l’abolition du servage et la mobilisation de la propriété ne fussent pas encore tout à fait consacrées par l’usage, cependant les principes