Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/793

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il m’instruisit par ses travaux ;
Je lui dois le peu que je vaux.

Ailleurs c’était un petit monument funèbre élevé à la mémoire du président Dupaty, avec ces mots :

Et nous aussi, nous le pleurons.

Plus loin on rencontrait une statue de l’Amour ornée de ce distique paternel :

Ô toi qui mets le trouble en plus d’une famille,
Je te demande, amour, le bonheur de ma fille.

Sur le socle des deux statues réunies de Platon et de l’Esclave cymbaleur, on lisait :

L’homme en sa dignité se maintient libre, il pense ;
L’esclave dégradé ne pense point, il danse.

Enfin, sous un berceau solitaire, Beaumarchais avait écrit une sorte d’adieu au monde, dont j’extrais seulement les quatre vers suivans :

Désabusé comme Candide
Et plus tolérant que Martin,
Cet asyle est ma Propontide :
J’y cultive en paix mon jardin.

Telle était la somptueuse et riante retraite que Beaumarchais préparait pour ses vieux jours. Comme il ne vint l’habiter qu’en 1791, et comme il était dans sa destinée d’attirer en tout l’attention de la foule, que d’ailleurs il ne détestait pas, malgré les amertumes dont elle était parfois accompagnée, sa maison fut pendant près de deux ans une sorte de monument public que les Parisiens de toutes les classes et les provinciaux qui venaient à Paris se croyaient tenus de visiter, si bien que le propriétaire dut faire imprimer des billets d’entrée qu’il accordait à quiconque les demandait poliment. Souvent même, quand la forme de la requête en valait la peine, l’auteur du Mariage de Figaro joignait au billet demandé quelques lignes de sa prose, toujours aimable et variée, suivant la qualité ou le sexe du demandeur.

Tantôt c’est le duc d’Orléans qui fait annoncer à Beaumarchais son intention de visiter son jardin, et à qui ce dernier écrit : « Pressez-vous, monseigneur, car mon jardin a déjà manqué d’être ravagé dix fois, et j’ignore ce que l’on me garde. » Tantôt c’est Mirabeau qui, après la réconciliation, vient en compagnie de Sieyès et de plusieurs autres députés accepter une collation dans le temple de Bacchus. Quelquefois c’est une jeune fille très aimable, Mlle Rose Perrot, par exemple, qui demande aussi à visiter le jardin.