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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/852

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une importation du dehors qui éveille toutes les susceptibilités du patriotisme.

Les essais de conciliation n’ont point été négligés. Une combinaison en même temps ingénieuse et naturelle a été tentée, non sans succès, pour rapprocher les deux églises. Quelques-unes des tribus gréco-slaves et arméniennes qui avaient d’abord été entraînées dans le mouvement de l’église grecque, ou qui étaient parvenues à s’y soustraire tout en restant fidèlement attachées à la liturgie orientale, ont formé avec Rome une alliance conditionnelle. Acceptant le dogme défini par le filioque et la croyance au purgatoire, elles ont consenti à reconnaître la suprématie pontificale, pourvu que le saint-siège les autorisât à conserver leurs rites, leur discipline, l’usage de la langue nationale dans la liturgie, la communion sous les deux espèces et, en quelques cas, le mariage des prêtres. Telle est l’origine des églises désignées sous le nom d’uniates. À y regarder de près, la véritable foi nationale des Slaves du midi et de ceux de l’occident serait la foi de ces églises. C’est celle qui fut prêchée parmi leurs ancêtres, et notamment sur les bords du Danube et dans l’éphémère empire des Moraves. C’est celle qui fut semée des Balkans aux Carpathes par les deux populaires apôtres slaves, Cyrille et Méthode. Par malheur, elle était trop faiblement défendue pour se maintenir longtemps avec quelque autorité entre les deux influences qui se disputèrent bientôt l’empire du monde religieux : la foi orientale et le latinisme. Les uniates de la Turquie d’Europe ne se sont soumis à la souveraineté religieuse du saint-siège qu’en sauvegardant toutes leurs pratiques nationales, et il n’est peut-être pas un seul de ces peuples qui ne fut prêt à faire schisme, si l’église latine voulait hautement empiéter sur les privilèges qu’elle leur a concédés, tant le sentiment de la nationalité l’emporte chez eux sur toutes les autres considérations !

L’influence de l’esprit national sur les dogmes admis par les chrétiens d’Orient est telle que les Latins eux-mêmes de ces contrées ne sont point animés exactement du même esprit que Rome, et tout en acceptant ses rites aussi bien que ses croyances, ils ne les envisagent pas absolument sous le même jour que le fait l’église d’Occident. Ils sont loin sans doute de professer pour le saint fondateur de l’épiscopat romain et de la papauté la même mésestime que les Orientaux, aux yeux desquels il n’est que le plus faible des apôtres ; mais s’ils admettent la mission spéciale de l’apôtre Pierre, les Latins du Levant se sentent néanmoins attirés de préférence, par un secret instinct, vers celui des disciples de Jésus qui semble représenter le mieux la charité et l’amour.

Cette croyance à la supériorité apostolique de saint Jean, à ses