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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/861

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visible dans l’église universelle. Une autorité s’étend, il est vrai, sur toute l’église, c’est celle du concile œcuménique ; mais cette autorité temporaire, intermittente de sa nature, n’est guère ici que nominale. L’église d’Orient ne compte en effet que sept conciles œcuméniques dans toute l’histoire, et l’ère des conciles s’arrête pour elle au second de Nicée, les autres n’ayant point à ses yeux le caractère d’universalité[1]. L’on ne s’explique point comment elle s’y prendrait pour tenir aujourd’hui un concile œcuménique sans se contredire, ni comment elle voit encore dans les assemblées de ce genre la suprême et l’unique autorité ecclésiastique après un silence de tant de siècles. La juridiction des conciles n’est donc qu’un souvenir pour l’église orientale. Quant à une juridiction réelle, il n’en est point qui soit acceptée de toute la communion des fidèles. Il existe sans doute un ordre de préséance entre les hautes autorités ecclésiastiques qui gouvernent les principales divisions de cette communauté. Ainsi le patriarcat de Constantinople domine encore en principe ceux d’Alexandrie, d’Antioche et de Jérusalem. Le synode de Saint-Pétersbourg, qui tient lieu de l’ancien patriarcat de Russie, figure au cinquième rang, et vraisemblablement le nouveau synode de Grèce, récemment constitué, occupera le sixième. Ces patriarcats ou synodes sont en réalité indépendans les uns des autres, sauf la distribution du saint chrême, dont le patriarche de Constantinople s’est réservé le privilège, notamment vis-à-vis du synode hellénique. Ils n’embrassent point d’ailleurs toute l’église séparée. En dehors de leur compétence, il est d’autres patriarcats, regardés ou non comme orthodoxes, parmi les Arméniens et les Slaves, soit dans l’empire ottoman, soit dans son voisinage, tels par exemple que le patriarcat de Carlovitz pour les Serbes d’Autriche, et celui d’Etchmiadzin pour les Arméniens de Russie. Il est même à remarquer que, sans se distinguer très sérieusement des Grecs parle dogme, l’église d’Etchmiadzin n’entretient avec eux aucun rapport ni officiel ni officieux.

On sait que dans l’empire ottoman les chefs de l’église sont investis d’une portion considérable de l’autorité civile et judiciaire sur leur troupeau. Ne l’oublions pas, en effet, le régime du Coran n’a pas eu en Turquie pour les croyances chrétiennes les conséquences destructives que l’on pouvait redouter d’un peuple voué au prosélytisme armé. Si préoccupé qu’il parût de conquérir le monde à la foi musulmane, il l’était surtout d’étendre ses possessions territoriales et de gouverner sans peine. Il entrait d’ailleurs dans ses principes théocratiques

  1. Les sept conciles reconnus dans l’église grecque sont, par ordre de date : le premier de Nicée, le premier de Constantinople, ceux d’Éphèse et de Chalcédoine, le second et le troisième de Constantinople, enfin le second de Nicée.