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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/88

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ses principes; elle est, quand même une analyse rigoureuse trouverait à reprendre dans ses dogmes considérés comme des systèmes, elle est la forme convenue et vénérée sous laquelle se représente aux masses la sanction de la morale. Elle vient en aide à la conscience par l’imagination; elle sanctifie le devoir. Où serait donc l’intérêt de détruire ou seulement d’ébranler cette règle sociale, cette garantie de tous, cette loi qui consacre toutes les lois, cette tradition de toutes les familles, ce premier des souvenirs nationaux? On peut objecter que ceci revient à dire que la religion est utile. Et quand cela serait, n’est-ce rien? Je suis de ceux qui pensent que l’utilité n’est pas tout, qu’elle n’est pas avant tout; mais est-elle pour cela méprisable? L’utilité sociale d’une religion n’est pas, pour une piété délicate ni pour une philosophie sévère, la meilleure raison d’y croire ; mais pour n’être pas la meilleure, est-elle une raison mauvaise? Elle est en général une des plus puissantes. C’est cette raison qui d’ordinaire arrête les progrès de l’incrédulité et détermine ce qu’on appelle les réactions religieuses. C’est elle surtout que pèse la politique. Les hommes ne sont pas des idéalistes qui s’accommodent d’un platonique amour, même quand il s’agit d’aimer la vérité, et chez un peuple qui fait ses affaires, la religion même en est une, la première de toutes si l’on veut, une condition de salut en ce monde, avant d’être la voie du salut dans la cité invisible.

On ne peut nier que dans les discours et dans les livres où les Anglais défendent la religion, la considération de l’intérêt et de l’ordre public ne tienne une grande place. Cette liaison même de la foi et de la politique est exprimée par l’union constitutionnelle de l’église et de l’état. C’est à ce point de vue que se plaçait Swift pour soutenir son ministère évangélique, et Bolingbroke pour repousser le titre de libre penseur. Burke, qui tant d’années après résumait dans sa personne l’esprit conservateur de la Grande-Bretagne, ne trouve jamais, pour soutenir la religion, d’autre langage que celui de la politique. Elle était sainte pour lui comme la loi et la patrie.

La religion, quand elle ne s’appuie pas sur d’autres fondemens, peut perdre de sa sublimité comme idée, de sa profondeur comme sentiment. Elle peut dégénérer en formalisme légal, en fiction politique, et son empire sur le fond des âmes s’affaiblit. Elle ne conserve tout au plus que son royaume de ce monde. Ainsi parut-il arriver pendant un temps à l’église anglicane. Le foyer intérieur semblait s’y refroidir. Elle tendait à n’être plus qu’une institution mondaine. L’esprit de conservation la soutenait seul, la foi du cœur ne l’animait plus. Au milieu de cet attiédissement, il fallut que la flamme chrétienne se rallumât au sein des communions dissidentes. Ce fut l’œuvre de Wesley et de Whitefield; car, je n’en doute pas, c’est le