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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/11

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LA
MARQUISE DE SABLÉ




La marquise de Sablé est le modèle de la femme aimable et distinguée de la première moitié du XVIIe siècle. Elle n’a pas eu la beauté de Mme de Montbazon, l’audace de Mme de Chevreuse, la capacité de la Palatine, la vertu de Mme de Rambouillet, le charme de Mme de Longueville, le génie de Mme de Sévigné ; mais elle possédait au plus haut point ce qu’on appelait alors la politesse, qui, sans exclure les qualités éminentes, ne les supposait pas, et était un heureux mélange de raison, d’esprit, d’agrément et de bonté. C’était là le mérite particulier de Mme de Sablé ; c’est par là qu’elle a été comptée et très considérée dans la société de son temps, cette société à jamais évanouie, qui, avec ses misères et ses grandeurs, est encore ce que l’humanité a produit de moins imparfait.

Il y a deux parties dans la vie de Mme de Sablé : l’une où elle est une femme du monde, brillante et recherchée, demeurant près du Louvre et à la Place-Royale, les deux quartiers à la mode ; l’autre, où elle se retire au faubourg Saint-Jacques, à Port-Royal ; et c’est de ce moment que date sa plus grande renommée, le salon de l’aimable recluse ayant été plus que jamais le rendez-vous de tout ce qu’il y avait de mieux à Paris, et même étant devenu le berceau d’un nouveau genre de littérature.

Pour éclairer et remplir un peu ces deux époques, les livres ne fournissaient point assez ; il nous a fallu avoir recours à deux célèbres collections de manuscrits auxquelles déjà en d’autres occasions nous avons beaucoup emprunté, mais qui sont inépuisables.