qu’elle avait raison. Ils ordonnèrent, en effet, que le défunt, exhumé ad hoc, serait conduit à la Banque d’Angleterre, où les directeurs comptèrent eux-mêmes, sur son cercueil, la somme qu’il venait ainsi redemander en personne.
Revenons à Joe, que la mort de son père laissa, ainsi que son frère, dans une situation assez misérable. Leur mère les garda près d’elle, et, grâce à la générosité de Sheridan, alors propriétaire de Drury-Lane, — qui lui permit, bien qu’elle appartint à sa troupe, d’accepter un engagement pareil dans le corps de ballet de Sadler’s Well, — la pauvre femme, à grand renfort de pirouettes et de sauts périlleux, acheva courageusement cette double éducation. Joe, qui suivait sa carrière d’acrobate avec une activité sans relâche, fut bientôt en état de contribuer pour sa bonne part à la dépense commune ; quant à son frère John, il avait une aversion décidée pour les exhibitions scéniques et un goût non moins vif pour l’état de marin. Lorsqu’il eut seize ans, les amis de la famille lui procurèrent un engagement sur un vaisseau de la compagnie des Indes, et se cotisèrent pour lui fournir le trousseau requis en pareille circonstance. Une fois à bord, on pouvait croire l’enfant au comble de ses vœux ; mais son impatience ne s’accommoda pas d’un délai de dix jours que l’East-Indiaman devait encore passer dans les eaux de la Tamise. À peu de distance, un navire de guerre allait lever l’ancre. Le jeune mousse sauta par-dessus bord et s’y rendit à la nage. Son enthousiasme toucha le capitaine, qui l’admit sans trop de difficultés, et on n’entendit plus parler de John Grimaldi que plus de quatorze ans après cette époque.
Faut-il maintenant suivre d’année en année les progrès de Joe dans ce qu’il appelait « son art, » - détailler ses prouesses de plus en plus merveilleuses, et noter avec soin. — Dickens l’a fait, — la marche ascendante de ses gains, qui devinrent considérables[1] ? Nous ne le pensons vraiment pas. Les hauts faits accomplis sur la corde raide, nous en sommes certain, touchent assez peu nos lecteurs,
- ↑ Voici, pour qu’on les puisse apprécier, le tableau des profits de Joseph Grimaldi pendant une seule de ses tournées en province (1817) :
liv. st. Quatre représentations à Brighton 100 Six a Birmingham 210 Une à Worcester 50 Neuf à Glasgow et Edimbourg 117 Deux à Berwick 104 Seize à Liverpool 324 Deux à Prestons 86 Deux à lien loi il 43 Deux à Worcester (seconde visite) 90
Soit, au grand total, et en rétablissant les fractions omises, 1,425 liv. 19 shill., ou, en monnaie française, 36,500 francs.