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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/1161

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apparut néanmoins comme une sorte de maison de verre accessible aux regards de deux cents millions d’hommes. Il ne s’y fit pas un pas, il ne s’y dit pas une parole, il ne s’en exhala pas un soupir qui n’eussent dans l’univers un immense retentissement, de telle sorte que de misérables querelles quotidiennes, fondées sur l’interprétation plus ou moins restrictive de règlemens militaires, devinrent pour le monde et sont demeurées pour l’histoire l’objet d’une inépuisable curiosité.

Les rigueurs de la captivité de Sainte-Hélène, dont les conditions avaient été définies par la convention diplomatique du 2 août 1815 et par l’acte du parlement anglais du 11 avril 1816, ont-elles été aggravées par les procédés personnels de l’officier général chargé de la garde de l’empereur Napoléon ? Sir Hudson Lowe a-t-il rendu plus humiliantes ou plus pénibles, par l’effet de ses propres antipathies, les mesures qui lui étaient prescrites par les ministres du prince régent, et particulièrement par le ministre des colonies ? Depuis trente ans, cette question était résolue, et une condamnation sans appel paraissait pour jamais portée. MM. de Las Cases, O’Meara, Antomarchi, plus tard M. de Monlholon, avaient exposé avec un tel accord la triste histoire de ces querelles, dont la mesquinerie n’était pas sans doute le moindre supplice de l’homme condamné à en alimenter sa vie, qu’il n’y avait dans la conscience publique ni hésitation ni incertitude. L’Angleterre elle-même avait semblé passer condamnation sur la conduite du gouverneur de Sainte-Hélène. Les historiens anglais, et Walter Scott en particulier, lui imputent le tort d’avoir méconnu la portée de son mandat vis-à-vis d’un homme envers lequel le respect ne lui était pas moins prescrit que la surveillance, et dont on entendait qu’il rendit la captivité sûre à la fois et agréable. Tout en défendant énergiquement le gouverneur du vivant de Napoléon, le cabinet britannique lui-même avait paru l’abandonner après la mort de l’auguste captif à la réprobation publique, tant il lui semblait difficile de le protéger contre elle. Envoyé à Ceylan dans une situation secondaire, il n’obtint pas même l’avancement auquel ses vieux services semblaient lui assurer des droits. Rentré dans sa patrie en 1831, il y demeura en inactivité malgré des sollicitations pressantes, et mourut en 1844, pauvre et oublié. Profondément affecté d’une réprobation qu’il tenait pour injuste, mais devinant l’impossibilité de lutter contre elle, sir Hudson Lowe n’accomplit jamais le projet, souvent formé par lui, de défendre l’honneur de son nom devant son pays et devant l’Europe. Sa famille s’efforce aujourd’hui de remplir ce devoir, et un membre distingué du barreau de Londres, M. Forsyth, vient de publier un important recueil où l’on trouve, à côté des notes et des papiers personnels du gouverneur,