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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/1249

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ainsi la phrase : « Si à toute époque les empereurs de Russie ont témoigné leur active sollicitude pour le culte et l’église orthodoxe grecque, les sultans n’ont jamais cessé de veiller au maintien des immunités et privilèges qu’ils ont spontanément accordés à diverses reprises à ce culte et à cette église dans l’empire ottoman et de les consacrer, etc. » Le second point qui arrêtait la Porte était le passage relatif au traité de Kainardji. « Le soussigné, disait la note de Vienne, a reçu l’ordre de déclarer que le sultan restera fidèle à la lettre et à l’esprit des stipulations des traités de Kainardji et d’Andrinope relatives à la protection du culte chrétien, et que sa majesté regarde comme étant de son honneur de faire observer à tout jamais et de préserver de toute atteinte, soit dans le présent, soit dans l’avenir, la jouissance des privilèges spirituels, etc. » Que voulait dire cette mention de la lettre et de l’esprit du traité de Kainardji ? Ce traité existe, c’est un fait, disaient les Turcs ; il a des dispositions précises qui seront observées ; mais pourquoi le rapprocher des assurances données par le sultan en faveur du maintien des privilèges des Grecs ? Ce rapprochement ne permettra-t-il pas à la Russie d’établir une corrélation entre ce traité et le maintien de ces privilèges, qui ne saurait dépendre en droit que de la libre volonté du sultan. Pour éviter cette confusion et cette extension possible du traité de Kainardji, la Porte modifiait ainsi la phrase : « Le soussigné a reçu l’ordre de déclarer que… le sultan restera fidèle aux stipulations du traité de Kainardji, confirmé par celui d’Andrinople, relatives à la protection par la Sublime-Porte de la religion chrétienne. » Le traité de Kainardji était défini par là conformément à ses stipulations réelles ; puis le tour de la phrase changeait, » et il est en outre chargé de faire connaître que sa majesté, etc. » Toute connexité amphibologique était ainsi rompue entre le traité de Kainardji et les privilèges du culte orthodoxe. Le troisième point qui paraissait inacceptable était le passage où le sultan aurait promis « de faire participer, dans un esprit de haute équité, le rit grec aux avantages concédés aux autres rits chrétiens par convention ou disposition particulière. » Ici l’attention de la conférence de Vienne avait été évidemment surprise. Les mots de convention ou disposition, particulière étaient bien vagues. L’Autriche a trois traités avec la Turquie : celui de Carlowitz (1 699), celui de Belgrade (1739), celui de Sistova (1791), qui lui assurent le patronage des catholiques dans les états du sultan, sans distinction de sujets ou non sujets de la Porte. Ce patronage, lorsqu’il n’est applicable qu’à quelques milliers d’individus sujets du sultan, a en pratique peu d’inconvéniens ; mais en vertu du dernier passage de la note de Vienne, l’empereur de Russie aurait pu réclamer pour les Grecs le patronage conféré par traité à l’Autriche