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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/1251

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cependant l’espoir que les modifications demandées par la Porte, n’altérant pas le sens de la note originaire, seraient admises par l’empereur de Russie[1]. Lord Clarendon écrivit dans le même sens à Saint-Pétersbourg et à Constantinople. L’impression produite par les modifications de la Porte fut donc unanime. Au fond, on les jugeait inutiles, on croyait qu’elles n’ajoutaient aucune garantie sérieuse au texte de la note de Vienne ; partant de là, on s’adressait avec d’égales instances à Saint-Pétersbourg et à Constantinople, — à Saint-Pétersbourg, pour que l’empereur acceptât la note avec les modifications turques, puisqu’elles n’y changeaient rien, — à Constantinople, pour que le sultan acceptât la note sans les modifications, puisqu’elles n’ajoutaient rien au sens qu’y avait attaché la conférence de Vienne.

On peut déjà voir à quel point l’empereur Nicolas s’est éloigné de la vérité, en disant que « les puissances, pour peu qu’elles voulussent sérieusement la paix, étaient tenues à réclamer d’emblée l’adoption pure et simple de la note de Vienne, au lieu de permettre à la Porte de modifier ce que nous avions adopté sans changement. » Non-seulement les puissances n’avaient pas autorisé les modifications turques, mais elles avaient demandé en effet à la Porte l’adoption pure et simple de la note de Vienne. Avec quelle insistance et avec quelle droiture d’intentions pacifiques ? Nous allons achever de le montrer en recourant à une des pièces les plus curieuses et les plus importantes, suivant nous, des documens anglais, la dépêche de lord Clarendon à lord Stratford, écrite précisément pour répondre au mémorandum de Rechid-Pacha sur les modifications.

Lord Clarendon commençait par répondre à une plainte de Rechid-Pacha : — Pourquoi la Porte n’avait-elle pas été consultée avant que la conférence n’arrêtât définitivement la note de Vienne ? — Le ministre anglais en donnait cette raison. Lorsque le comte de Buol fit inviter Rechid-Pacha par M. de Bruck, qu’appuyèrent les représentans des trois autres puissances, à faire une fusion de la note du prince Menchikof et de la sienne propre, la Porte avait accepté cette idée, le sultan l’avait sanctionnée, mais il n’y avait pas été donné suite. Les puissances, désireuses de terminer les difficultés sans perte de temps, s’étaient alors chargées elles-mêmes d’un travail dont le gouvernement turc avait approuvé la pensée sans en poursuivre l’exécution. On avait donc pris le projet de note du gouvernement français qui avait été reçu favorablement par M. de Nesselrode, et on en avait tiré la note de Vienne. « Il était inutile d’ajouter que si les gouvernemens anglais et français n’avaient pas cru sauvegardés par cette note les intérêts et le principe pour lesquels

  1. Lord Cowley to the earl of Clarendon, september 2. Corresp., part II, n° 80.