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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/1254

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Porte et la Russie, on en aurait appelé à la garantie de ces puissances. Ce n’était pas seulement le cabinet autrichien qui avait regardé ces modifications comme sans importance et n’ajoutant rien au sens de la note : le ministre russe à Vienne avait exprimé la même opinion ; on pouvait donc raisonnablement espérer que, si la Porte eût signé, la Russie se serait jointe aux quatre puissances pour donner à la note sa véritable interprétation, Enfin, après avoir répondu à d’autres observations de Rechid-Pacha, lord Clarendon terminait cette belle dépêche en chargeant lord Stratford de donner à la Porte des avertissemens sévères. « Si la Porte persévérait dans ses nouvelles exigences, disait-il, elle vérifierait la prédiction de votre excellence, qu’il y aurait bientôt plus à redouter sa témérité que sa timidité ; elle confirmerait l’opinion qui nous arrive de divers côtés, que la Turquie veut la guerre parce qu’elle est convaincue que la France et l’Angleterre seront forcées de se ranger de son côté, que la guerre sera par conséquent favorable au sultan, et lui assurera des garanties qui fortifieront sa puissance chancelante. L’Angleterre et la France ne reculeront devant aucune obligation qui leur sera clairement prescrite par leur honneur et leur devoir, quels que soient les sacrifices qu’elles doivent encourir. Quoiqu’elles n’y soient liées par aucun traité, elles regardent le maintien de l’empire ottoman comme une grande condition de la politique européenne, et elles désirent soutenir la dignité et l’indépendance du sultan ; mais d’autres intérêts que ceux de la Turquie sont commis à leur charge, et avant de les exposer aux dangers et aux maux d’une guerre, c’est leur devoir de veiller à ce qu’aucun effort n’ait été négligé pour la conservation de la paix. C’est donc dans l’esprit le plus amical, et avec une sincère sollicitude pour les meilleurs intérêts de la Turquie, que le gouvernement de sa majesté conseille à la Porte de ne pas se laisser éblouir par les préparatifs militaires qu’elle a faits avec un zèle louable pour sa propre défense, de ne point céder au fanatisme religieux auquel on a fourni de si justes provocations, de ne pas croire que la guerre, dans la situation actuelle de l’empire ottoman, puisse ne point entraîner les conséquences les plus désastreuses. Il lui conseille au contraire d’accepter avec un empressement cordial, au lieu de chercher à l’éluder, un arrangement qui puisse terminer d’une façon honorable et sûre ses malheureux différends avec la Russie[1]. »

On a maintenant la preuve complète de la sincérité et de la vivacité des efforts tentés par la France et par l’Angleterre pour amener la Porte à souscrire à la note de Vienne. Elles ne se contentaient pas

  1. The earl of Clarendon to lord Stratford, September 10. Corresp. Part II, n° 88.