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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/167

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Angleterre 25 francs par hectare, dépasse à peine 1 franc 50 cent. L’income-tax lui-même n’est perçu qu’avec des ménagemens particuliers. Il rapporte 500,000 livres sterl, tandis qu’en Angleterre son produit est dix fois plus élevé.

Les dépenses utiles, que l’impôt alimente ailleurs, ne sont cependant pas négligées. C’est l’Angleterre qui s’est chargée des plus coûteuses, comme l’entretien des forces militaires et l’établissement de routes stratégiques. L’Ecosse est en grand ce qu’est en petit l’île de Jersey. Débarrassée du soin de la défense nationale, qui est le premier intérêt et la plus lourde chaire des peuples, elle peut consacrer toutes ses ressources au développement de sa prospérité. Cet esprit d’ordre et d’économie, que chacun apporte dans ses propres affaires, passe dans le maniement des deniers publics ; on fait plus avec peu d’argent qu’ailleurs avec beaucoup. Ce que l’impôt ne peut pas exécuter, l’esprit d’association ou d’entreprise privée l’accomplit mieux, plus vite et à meilleur marché. La science économique est là à son berceau, ses enseignemens y ont naturellement trouvé leur application la plus immédiate et la plus complète. Un Écossais ne songe jamais à chercher d’autre appui que lui-même, ou ceux qui ont le même intérêt que lui. Il ne perd pas son temps en agitations et en démarches stériles ; il n’a rien à demander, à solliciter ; tout entier à ses affaires, il les mène bien, parce que rien ne l’entrave ou ne le détourne. Point de ces rivalités que l’ambition fait naître ; tout, monde vit à sa guise dans son intérieur, sans chercher à régler l’intérieur d’autrui, et quand on a besoin les uns des autres, ce qui arrive souvent, on s’entend aisément dans une pensée d’utilité commune. Dans ce petit pays de moins de 3 millions d’âmes, la solidarité des intérêts, cette vérité fondamentale que la science a tant de peine à faire comprendre ailleurs, est apparente et sensible pour tous : l’Ecosse est une famille.

Peut-on s’étonner que l’agriculture ait profité d’un pareil concours de circonstances ? Ses progrès ont été surtout extraordinaires de 1790 à 1815, c’est-à-dire au moment où ces causes réunies ont commencé à agir avec quelque intensité. Le débouché anglais notamment s’est montré pendant cette période tout à fait indéfini ; le blé et la viande étaient montés en Angleterre à des prix énormes, qui, dans un pays neuf comme l’Ecosse, ne pouvaient manquer de donner un essor immense à la production. — S’il est vrai, comme le dit Ricardo, qu’une petite quantité de capital appliquée à une terre vierge suffit pour en tirer plus de fruits qu’une quantité croissante n’en peut créer plus tard, cet axiome économique s’est réalisé pleinement alors : on a vu le revenu de certaines terres décupler dans le court espace de quelques années. L’aisance moyenne s’était accrue en même temps à un tel point, qu’au dire d’un voyageur français, Simond, qui visita