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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/220

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ni aussi habile ; mais après ces quatre premières années de juste félicité qui semblaient les débuts éclatans d’un grand prince, ayant acquis de la gloire et imposé la paix, laissant voir en lui les mérites les plus hauts comme les plus aimables, un esprit noble, un cœur intrépide, un caractère gracieux, des mœurs chevaleresques, ayant l’amour élevé des lettres, le goût délicat des arts, montrant une grande application aux affaires et disposant de forces jusque-là irrésistibles, il avait tourné vers lui les regards du monde et les espérances d’une partie de l’Allemagne, menacée d’être envahie par les Turcs.

L’empire germanique, qu’allaient briguer ces deux rois, le premier en invoquant les souvenirs de sa maison et en s’engageant à le gouverner selon ses usages, le second en faisant valoir les ressources de sa puissance et en s’offrant à le défendre contre ses ennemis, l’empire germanique était très divisé. Ce grand corps, dont s’était séparé le royaume d’Italie, dont avait été détaché le royaume d’Arles, presque tout entier annexé à la France, dont les cantons confédérés de la Suisse s’étaient rendus indépendans de fait, quoiqu’ils lui appartinssent encore de droit, tout réduit qu’il était, n’était pas devenu plus compacte. Il restait formé d’une multitude de membres mal joints. Il renfermait des états héréditaires et électifs, un royaume, des électorats, des duchés, des margraviats, des landgraviats, des comtés, des seigneuries de dimensions variées, des villes libres de diverse importance, des principautés ecclésiastiques d’ordre différent depuis les archevêchés jusqu’aux prieurés souverains. A cette époque, il comptait vingt-neuf princes séculiers, quatre-vingts prélats ou abbés, environ quatre-vingt-dix villes impériales, plus de deux cents comtes territoriaux avec juridiction et plusieurs milliers de seigneurs médiats. Ainsi composée, l’Allemagne, malgré les récentes tentatives de l’empereur Maximilien, qui avait voulu y fonder une justice commune par la chambre impériale, une milice régulière par l’établissement des cercles, conservait un esprit d’insubordination que la force fédérale n’avait pu réduire à l’obéissance et une diversité d’intérêts que rien n’était capable de ramener à l’accord.

Lorsqu’il fallait donner un chef à cette vaste et faible confédération, au milieu de laquelle se maintenaient toujours les ligues des villes, les associations des nobles, les alliances particulières des princes, le droit en était dévolu aux sept électeurs. Les archevêques de Mayence, de Trêves, de Cologne, comme archichanceliers de l’empire pour les royaumes de Germanie, d’Arles et d’Italie; le roi de Bohême, le duc de Saxe, le comte palatin de Bavière, le margrave de Brandebourg, comme archi-échanson, archi-maréchal, archi-sénéchal et archi-chambellan de l’empire, nommaient seuls,