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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/228

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lui. Attaché à la grandeur de sa maison, qu’il avait singulièrement accrue, Maximilien sentait la nécessité de ne pas la laisser déchoir, et d’en unir les états dispersés par le lien puissant de l’autorité impériale. Il entra donc, et avec son ardeur accoutumée, dans les vues de son petit-fils. Avant tout, il lui fit connaître ce qu’il devait accorder de faveurs, dépenser d’argent, offrir de pensions, s’il ne voulait pas échouer dans une pareille entreprise. C’est ce que lui écrivirent de sa part le trésorier Villinger et le secrétaire Renner[1], instruits à fond de la position, du caractère et des intérêts des princes allemands.

Charles était aux prises avec les difficultés d’un règne nouveau, lorsqu’il reçut en Espagne les instructions qui lui étaient transmises et les demandes qui lui étaient adressées par les deux conseillers de l’empereur. Il venait de prendre possession de la souveraine autorité dans la Castille. Ce n’était pas sans quelque peine qu’il avait été reconnu roi du vivant de sa mère, Jeanne la Folle, enfermée à Tordesillas. Les grands et les villes lui avaient cependant prêté serment d’obéissance dans les certes de Valladolid, après qu’il eut juré lui-même d’observer leurs lois et de garder leurs privilèges; mais les Flamands qui l’entouraient excitèrent l’animadversion et la jalousie des Castillans par l’excès de leur pouvoir et de leur cupidité. Le gouverneur Chièvres et le chancelier Jean Le Sauvaige dirigeaient tout et vendaient tout autour de lui. Les Flamands traitaient l’Espagne comme les Espagnols avaient traité l’Amérique, et dans leur avidité cynique et offensante ils allaient jusqu’à appeler ceux-ci leurs Indiens[2]. Aussi préparaient-ils le terrible soulèvement des communeros, et ils rejetaient même du côté de la France les grands, indignés de l’abandon où on les laissait. Les personnages les plus considérables des deux Castilles visitaient assidûment La Roche-Beaucourt, et, aussi nombreux à la table de l’ambassadeur de François Ier qu’à la cour du roi Charles, ils lui disaient : « Quand il le vouldra, votre maistre trouvera autant de serviteurs en ce pays qu’en lieu qu’il sauroit souhaiter[3]. » La présence de l’infant Ferdinand dans la Péninsule, l’ambition qu’il avait déjà montrée, l’attachement que lui portaient les Espagnols, au milieu desquels il avait été élevé, dont il parlait la langue et suivait les mœurs, n’inspiraient pas moins d’inquiétude au roi son frère. Aussi, malgré le vœu formel des cortès, se décida-t-il à

  1. Le contenu de cette lettre est mentionné dans la lettre de Maximilien au roi de Castille du 18 mai 1518, extraite des archives de Lille et publiée dans les Négociations diplomatiques entre la France et l’Autriche par le savant archiviste M. Le Glay, in-4o, vol. II, p. 126.
  2. Sandoval, Historia de Carlos Quinto, t. Ier, lib. V, § II.
  3. Lettre de La Roche-Beaucourt de mars 1518. Mss. Béthyne, n° 8487, f° 128 et suiv.