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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/234

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Après cette expulsion offensante, qui avait eu lieu l’année d’auparavant, vers la fin d’août, le comte Frédéric s’était retiré à Amberg, dans le haut Palatinat. Son affection pour le roi Charles survivait à sa disgrâce. Il lui avait écrit, en le quittant, qu’il continuerait à le servir en quelque lieu qu’il se trouvât et qu’il ferait avec bonheur tout ce qu’il lui commanderait[1]. Mandé alors à Augsbourg, il se rendit en toute hâte auprès de l’empereur, qui oublia les hardiesses qu’il s’était permises et lui fit oublier les affronts qu’il avait reçus. Maximilien le combla de ses bonnes grâces et lui accorda 20,000 florins d’or avec une pension, s’il entraînait l’électeur son frère à Augsbourg et le décidait à conclure avec lui un accord politique et électoral. Afin de faciliter sa venue, il mit ses états sous la sauvegarde de l’empire, et il interdit à la ligue de Souabe d’exercer contre lui aucune espèce de représailles à cause des déprédations dont avaient souffert les marchands de Worms de la part de Franz de Sickingen, l’un des châtelains du Palatinat. Il promit de faire la paix de l’électeur avec cette redoutable ligue et de le dédommager de ce que la maison d’Autriche avait enlevé à la maison palatine. Le comte Frédéric partit pour Dilsberg et persuada si bien le faible et changeant électeur par la double considération de la crainte et de l’intérêt, qu’il le conduisit à la diète presque vaincu. Maximilien acheva sa défaite assez aisément. Il acquit son suffrage en lui accordant l’investiture de ses fiefs, en renouvelant l’alliance héréditaire entre l’Autriche et le Palatinat, en lui assurant 80,000 florins comme compensation de l’avouerie d’Haguenau qu’il ne pouvait pas lui rendre parce qu’elle couvrait les possessions autrichiennes du côté de l’Alsace[2], enfin en offrant de donner 20,000 florins d’or à la ville de Worms pour réparer les dommages commis envers elle par Sickingen. L’empereur voulait réconcilier avec les confédérés de la ligue de Souabe, — dont faisaient partie vingt-deux villes impériales, les nobles de la compagnie de Saint-George, les ducs de Bavière et les archiducs d’Autriche, — cet indomptable chef de bande qui devait jouer un grand rôle dans l’élection. Sickingen venait de se brouiller avec François Ier fort peu de temps après être entré à son service. Un marchand allemand en contestation avec des marchands milanais qui ne voulaient pas le payer s’adressa à lui comme au justicier national. Sickingen acheta sa créance qu’il fit acquitter les armes à la main par les Milanais qui trafiquaient en Allemagne. Ceux-ci portèrent leurs plaintes à leur souverain François Ier, qui suspendit la pension de Sickingen[3]

  1. Papiers de Simancas aux Arch. nat., n° 79(5).
  2. Lettre de Maximilien au roi de Castille du 24 mai. Le Glay, Négociations, etc., t. II, p. 127. — Estat de l’argent comptant, etc., Mono, p. 407 à 411.
  3. Mémoires de Fleuranges, édit. Petitot, vol. XVI, pag. 324-325. « Lequel Francisque, dit-il, porta depuis au roi grand dommage et spécialement pour le faict de l’empire. »