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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/240

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devaient recevoir toutes les correspondances, donner toutes les directions, et conclure les divers traités électoraux qu’il promettait, sur sa parole royale, de ratifier et d’exécuter. Jean d’Albret, comte de Dreux, sire d’Orval et gouverneur de Champagne, Guillaume Gouffier, seigneur de Bonnivet, amiral de France, et Charles Guillart, président au parlement de Paris, furent chargés de cette importante mission[1]. Ils établirent d’abord le quartier-général de la négociation à Lunéville en Lorraine, et le rapprochèrent ensuite davantage des quatre électeurs du Rhin en le transportant à Coblentz. François 1er les autorisa à ouvrir toutes les dépêches qui lui étaient adressées. Il leur donna ou leur envoya tous les blanc-seings qui le rendaient en quelque sorte présent lui-même sur la frontière d’Allemagne, et leur confia le sceau du secret[2]. Ne négligeant rien durant le cours de cette active négociation, il leur écrivit presque chaque jour pour les tenir en haleine, pour les encourager, pour aplanir de sa main souveraine les difficultés suscitées par l’avarice ou la mauvaise foi des princes allemands, et lorsque la timidité de ses ambassadeurs hésitait devant de trop grandes concessions, pour accorder hardiment tout ce qui pouvait faciliter un dessein dont la poursuite agitait son âme et occupait toute sa politique.

Le scrupuleux président Guillart aurait voulu que François Ier persuadât les Allemands au lieu de les acheter, et qu’il obtînt auprès d’eux la préférence sur son rival pour les éclatans mérites de sa personne et les grandes ressources de sa puissance. Il dit au chancelier Du Prat qu’il était de la gloire comme de l’honnêteté du roi son maître de ne parvenir à l’empire ni par force ni par dons. François Ier n’accepta pas cette manière un peu trop pure et complètement inusitée de traiter avec des princes allemands, et il écrivit à son candide négociateur : « Si nous avions à besogner à gens vertueux ou ayant l’ombre de vertus, votre expédient seroit très honneste; mais en temps qui court de présent, qui en veult avoir, soit papauté, ou empire, ou aultre chose, il y fault venir par les moyens de don et force, et ceulx ausquels l’on a à besogner ne font la petite bouche de demander, et à l’argent de la marchandise menée par l’empereur, s’il estoit encores en vie, estoit prest aux bancques d’Allemaigne pour estre délivré. La fin que je tendz n’est pernicieuse ni mauvaise, car avarice, cupidité de dominer, ni ambition ne me meuvent, mais

  1. Original de leur nomination sur parchemin, signé du roi et de Robertet, et muni du grand scel en cire jaune. Carton J. 952, pièce 6. — Leur curieuse et complète correspondance avec le roi et celle du roi avec eux est dans les mss. de La Mare 10992/3 à la Bibliot. nationale.
  2. Lettre de François Ier à ses ambassadeurs, du 20 février. Mss. de La Marc 10390/3 f° 54.