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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/266

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suffrage, libre de tout pacte, de tout prix, de toutes arrhes et de tout engagement, quelque nom qu’on lui donne. Qu’ainsi Dieu et tous ses saints me soient en aide[1]. »

Dès que la diète fut assemblée, les ambassadeurs des deux rois lui adressèrent des manifestes dans lesquels, notifiant la candidature de leurs maîtres, ils donnèrent à l’appui toutes les raisons qu’ils avaient déjà tant de fois exposées à chaque électeur en particulier. Les conférences et les intrigues durèrent pendant plusieurs jours. Les plus grands efforts se firent autour de l’électeur palatin, dont la détermination pouvait entraîner celle de l’électeur de Cologne, et qui, ayant vendu tour à tour sa voix aux ambassadeurs du roi catholique en avril, aux ambassadeurs du roi très chrétien en mai, flottait entre le souvenir de son dernier engagement et la crainte des soldats de Sickingen. Le comte Frédéric, qui l’avait décidé à s’engager envers Maximilien à Augsbourg, promit de le faire voter pour Charles à Francfort. Il dit à Armerstorff : « Je vous réponds et assure de mon frère, » et offrit comme garantie, s’il le fallait, d’être prisonnier du roi[2]. Il pénétra dans Francfort, sous un déguisement, afin d’arracher l’électeur palatin à ses hésitations et de le donner entièrement au roi catholique[3]. Il l’ébranla. L’archevêque de Trêves prévint aussitôt du danger de cette défection Bonnivet, qui écrivit au comte palatin la lettre la plus pressante et la plus forte. Il lui dit qu’il trouverait merveilleusement étrange qu’il voulût trahir un prince qui était son parent et son ami, pour en favoriser un autre dont l’aïeul l’avait mis au ban de l’empire et avait amoindri ses états. « Je vous supplie, monseigneur, ajoutait-il, de penser combien cela vous touche. Vous feriez une grosse playe à votre maison, en étant celui qui commencerait à montrer qu’il n’y a point de foi ni d’honneur. Il ne faut pas que la peur que l’on vous fait de brûler et ruiner votre pays vous induise à changer d’opinion, car je vous offre d’aller, dès cette heure, vous servir en personne avec sept ou huit mille lansquenetz, que j’ai tout prêts, et huit cents chevaux, de faire marcher incontinent l’armée du roi qui est sur la frontière d’Allemagne et la plus puissante qu’on ait vue de longtemps, et, si vous me l’écrivez, de prendre même au service du roi la moitié de l’armée de Francisque de Sickingen, ce que je pourrai toutes les fois que je le voudrai[4]. »

  1. Bulle d’or, cap. II, art. 2.
  2. Lettre d’Armerstorff à Marguerite d’Autriche, d’Heidelborg le 2 juin 1519, déposée aux archives de Lille et non imprimée dans les Négociations, etc., de M. Le Glay.
  3. Leodius. Vita Frider. II, palatini, lib. V, p. 76.
  4. Lettre de l’amiral Donnivet au comte palatin du 24 juin. Mss. de La Marc 10330/3, f° 170.