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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/520

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qu’il pût cultiver avec sa famille. Ainsi s’était développé le système des petites locations, ce qu’on a appelé le colliers system. Ce système n’est pas précisément mauvais en soi, quand il n’est pas poussé trop loin. Outre qu’il permet de se passer de capital, lorsqu’on en manque, en le remplaçant par des bras, il a l’avantage de supprimer le salariat proprement dit, c’est-à-dire cette classe d’hommes qui vit uniquement de la demande de travail et qui est soumise à ses vicissitudes. Il n’y avait, à proprement parler, que très peu de salaires en Irlande, ceux qui ailleurs auraient été des journaliers travaillant au jour le jour — étaient là de petits fermiers. Cependant il faut une borne à tout, et la division des exploitations n’en avait pas eu à cause du nombre toujours croissant des concurrens. Les petits tenanciers avaient commencé par obtenir des fermes où une famille pouvait vivre à la rigueur en payant la rente; ces fermes se sont partagées une première fois, puis une seconde, puis une troisième, et on en était venu à ces 600,000 locations au-dessous de 6 hectares, c’est-à-dire à un point où le cultivateur n’a que le strict nécessaire pour ne pas mourir de faim, et où le moindre déficit de récolte commence par rendre impossible le paiement de la rente et finit par être un arrêt de mort pour le tenancier lui-même.

Grâce à l’excellence du sol et à la multitude des bras, le produit brut, quoique inférieur de moitié au produit anglais, était encore assez considérable. On pouvait l’évaluer, en le ramenant aux prix français, à 800 millions de francs, ou, comme en France, à 100 fr. par hectare, divisés ainsi qu’il suit :


Froment 60 millions de fr.
Orge 30
Avoine 150
Pommes de terre 250
Lin et jardins 50
Total des produits végétaux.... 540
Produits animaux 260
Total 800 millions de fr.

Ainsi les produits animaux étaient, comme en France, la moitié des produits végétaux, signe d’une culture épuisante, tandis qu’en Angleterre, en Écosse, les premiers sont supérieurs aux seconds, et que la balance penche tous les jours de leur côté, signe d’une culture améliorante. Ce produit de 100 francs par hectare devait se partager ainsi :


Rente du propriétaire 32 fr.
Bénéfice du middleman 8
Impôts 5
Frais accessoires 5
Salaires 50
Total 100 fr.