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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/599

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dans l’œuvre même du chef de l’école que nous retrouvons les témoignages de cette conversion aux principes que les graveurs du XVIIe siècle ont si bien définis et pratiqués.

L’Hémicycle du palais des Beaux-Arts, gravé par M. Henriquel-Dupont, est à la fois un beau spécimen de l’art contemporain et une étude excellente où l’art ancien se perpétue et se renouvelle. M. Henriquel-Dupont, il est vrai, n’a pas toujours accepté avec la soumission dont il fait preuve aujourd’hui ce rôle d’élève, sinon de continuateur, des Audran et des Nanteuil, il lui est arrivé quelquefois de consulter d’autres modèles et d’abandonner un peu la vieille école française pour s’inspirer en moins bon lieu ; mais a-t-on le droit de se rappeler ces erreurs passagères, quand celui qui les a commises se décide à les abjurer si ouvertement ? Ne faut-il pas voir plutôt dans cette gravure de l’Hémicycle un signe éclatant de la renaissance de l’école ? Les élèves que M. Henriquel-Dupont a formés, et dont quelques-uns n’hésitent plus à le suivre dans la route où il est rentré depuis quelques années, s’encourageront sans doute du nouveau succès obtenu par leur maître. Protestation éloquente contre les excès de l’ébauchoir et du pinceau, l’Hémicycle prend vis-à-vis du petit nombre d’artistes restés fidèles aux travaux du burin une signification particulière ; il se présente à notre école de gravure avec l’autorité d’un noble exemple, et il aura pour elle, il faut l’espérer, toute l’efficacité d’un enseignement.

La planche de M. Henriquel-Dupont, bien qu’elle ne soit éditée que depuis quelques semaines, avait paru déjà au salon de 1853. Entrevue seulement alors et un peu perdue dans ces galeries où les regards se tournent de préférence vers les tableaux, elle n’entre à vrai dire que d’aujourd’hui dans le domaine de la publicité. C’est le moment de juger à la fois cet ouvrage et la longue série d’efforts qu’il résume ; c’est le moment aussi de jeter un coup d’œil sur l’ensemble des travaux de M. Henriquel-Dupont, en rappelant les plus récentes évolutions de l’école où il a pris place d’abord parmi les artistes d’élite, où il compte aujourd’hui parmi les maîtres.

Il arrive parfois qu’après s’être essayé quelques années dans la gravure, on quitte le burin pour le pinceau. De traducteur qu’on était, ou devient auteur de compositions originales. Les frères Johannot ont ainsi transformé leur talent et suivi l’exemple qu’avaient donné dans le XVIIe siècle Pierre Daret, et dans le XVIIIe plusieurs graveurs classés aujourd’hui parmi les peintres de genre. Pour M. Henriquel-Dupont, la transformation a été toute contraire : il étudia d’abord la peinture, et entra, en 1811, dans l’atelier de Guérin, où il eut successivement pour condisciples Géricault, MM. Scheffer, Cogniet, Delacroix et Champmartin.