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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/655

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reporter aux actes de ce temps-là, de se rappeler quels furent les triomphateurs et quelles furent les victimes, pour n’entretenir aucun doute sur la double aspiration constitutionnelle et pacifique d’où sortit le gouvernement consulaire.

Quelque étrange que semble cette assertion en présence des faits ultérieurement accomplis, on peut affirmer, que le succès du général Bonaparte et sa fortune politique furent l’œuvre du parti constitutionnel et du parti de la paix, et que la pensée fondamentale de ce parti en armant le pouvoir exécutif de formidables attributions avait été, d’une part, d’obtenir la paix par la victoire, s’il fallait encore combattre, — de l’autre, de protéger la révolution française contre ses propres violences en la réconciliant enfin avec les cabinets étrangers. En l’an VIII, la France conservait encore la plupart de ses croyances. Elle en était bien à modifier ses institutions, mais point à répudier ses idées, et n’entendait pas plus en ce moment-là abjurer son passé que se désintéresser de toute action politique sur l’avenir. En adoptant avec acclamation la constitution de l’an VIII, elle ne croyait répudier que la guerre incessante au dehors et l’anarchie toujours menaçante au dedans.

Si telle fut la pensée de la nation, telle fut aussi la pensée du gouvernement nouveau, et tant de merveilles si rapidement accomplies ne s’expliquent que par la complète identification de l’action du pouvoir avec le vœu national. Les membres des deux commissions législatives chargés par l’article 11 de la loi du 19 brumaire de modifier les institutions existantes s’efforcèrent de sauvegarder de la révolution française non-seulement les nombreux intérêts créés par elle, mais encore les maximes politiques qu’elle avait jetées avec tant d’éclat dans le monde, quoique ces maximes n’eussent abouti jusqu’alors qu’aux plus décourageantes déceptions. La souveraineté populaire avait conduit à la dictature démagogique ; le régime électif venait de donner tour à tour au directoire une majorité clichienne et une majorité jacobine ; le gouvernement par la parole, avait abouti sous la convention au gouvernement par la hache. Quel moyen restait-il donc de sauver l’autorité de ces principes-là, si ce n’était de les encadrer dans les rouages d’un mécanisme nouveau ? La seule voie qui s’offrit pour sauver la révolution était de prendre le contre pied de ce qu’avaient fait les révolutionnaires. 6e fut l’œuvre à laquelle se consacrèrent Sieyès, Roederer et Daunou, qui représentaient toutes les nuances des partis de ce temps-là, à l’exception des jacobins, seuls vaincus et hors de cause.

Si la constitution nouvelle concentra toute la puissance exécutive aux mains d’un premier consul, en l’entourant toutefois de deux collègues ayant voix consultative, elle plaça tous les pouvoirs appelés