Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/674

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Peut-être a-t-on quelque droit de regretter qu’il ne soit pas remonté à leur source même, et que son admiration, d’ailleurs si légitime, pour la grande époque consulaire l’ait empêché de mesurer d’avance les conséquences inévitables de certaines stipulations.

La paix avec l’Autriche conduisait au traité d’Amiens par une conséquence presque nécessaire. L’Angleterre ne pouvait en effet porter un préjudice notable à la France que par une guerre de coalition : or toute coalition devenait impossible, lorsque l’Allemagne tout entière avait désarmé, quand la Prusse, excitée par le partage des dépouilles ecclésiastiques dans l’empire, s’inclinait avec humilité devant Napoléon pour s’en faire attribuer la plus grosse part, et lorsque la Russie, habilement, provoquée par la France à régler de concert avec elle toutes les affaires germaniques, affectait avec le gouvernement consulaire les rapports de la plus étroite intimité. La paix maritime ressortait forcément de la nouvelle situation du monde, que la France ne devait pas moins au génie politique qu’au génie militaire de son jeune chef. Pitt lui-même parut le comprendre et se résigner, puisqu’il facilita par son altitude parlementaire l’établissement d’un cabinet formé pour négocier.


IV

Cette paix, si ardemment souhaitée par les deux peuples avait le mérite bien rare dans les transactions internationales de n’être ni moins glorieuse ni moins profitable pour l’un des contractans que pour l’autre. Si l’Angleterre reconnaissait à la France la possession de la Belgique et la limite du Rhin, la France sanctionnait la conquête des Indes, accomplie par sa rivale et complétée par la possession de Ceylan : l’Angleterre obtenait l’île de la Trinité en Amérique, arrachée à l’Espagne, notre alliée, sur laquelle la guerre épuisait ses rigueurs, lorsqu’elle n’avait pour nous que des succès. Malte, cette porte de l’Égypte, confiée à la garde d’une tierce puissance, était fermée à la fois à la France et à l’Angleterre. Si nous gardions Anvers, nous consentions à évacuer Alexandrie ; enfin au prestige des Pyramides nos rivaux n’opposaient pas sans orgueil les souvenirs d’Aboukir. Le traité, par ses énonciations écrites, semblait donc compenser avec équité les sacrifices et les avantages. Cependant l’acte d’Amiens n’était pas moins menacé que celui de Lunéville par des omissions déplorables, et par certains faits qui étaient dans leur esprit en pleine discordance avec les dispositions écrites.

La France reconnaissait en thèse générale l’indépendance de la Suisse, de la Hollande et de tous les gouvernement de l’Italie : elle s’engageait à évacuer leur territoire ; mais elle avait donné à l’Helvétie un gouvernement simultanément en lutte avec l’oligarchie des